Journal of the International Law Department of the University of Miskolc |
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Vol. 7. (2010) No. 1. pp. 14-23. |
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Péter Kovács[1]:
La collision d’une norme constitutionnelle et du droit international dans la pratique de la Cour Constitutionnelle hongroise[2]
I. Les cours constitutionnelles peuvent-elles écarter une norme constitutionnelle afin de faire valoir une norme d’un engagement international? La question posée par les organisateurs du colloque d’Andorre[3] est sans doute iconoclaste pour la grande majorité des juges constitutionnels et surtout pour les cours constitutionnelles, comme institutions. Ainsi la réponse qui peut arriver vite est certainement négative. „Non, c’est impossible”, dit-on car la Constitution est au sommet du pyramide normatif des sources, c’est pourquoi il serait inconcevable d’écarter une norme constitutionnelle, … Or, si on commence à s’y réfléchir, il devient clair qu’il y a des hypothèses qu’il vaut la peine d’examiner. A la fin du rapport que je présente sur l’approche de la Cour Constitutionnelle hongroise, l’image serait – j’espère - plus nuancée, et même si la réponse reste négative, ce sera un NON plus compexe et „nuancé”.
II. La Constitution: une norme au-delà du contrôle des cours constitutionnelles Quand on pose donc la question si la Cour Constitutionnelle pourrait accepter qu’elle écarte une norme constitutionnelle pour promouvoir un engagement international, la réponse instinctive est NON. La raison est simple, car la Cour Constitutionnelle est le gardien de la constitution. Le texte de la loi fondamentale est le seul point de référence pour elle, même si la constitution est partout plus qu’un texte: elle est entourée d’une interprétation judiciaire qui l’adapte aux nécessités sociales en tant qu’un „instrument vivant”. Notre Cour a reconnu les limites inhérentes de ses compétences déjà apendant les premières années de son activité: „La Cour Constitutionnelle ne peut censurer ou annuler aucune des dispositions de la Constitution.”[4] Il y a quelques années, ce dictum formulé dans des termes non équivoques a été repris dans une décision portant sur le traité d’adhésion de la Hongrie à l’Union européenne où plusieurs requérants ont déposé plaintes contre un article précis de la Constitution. Cet article[5] comportait l’engagement d’organiser un référendum sur l’adhésion à l’Union européenne et la question à poser a été incluse dans le texte constitutionnel. Les requérants ont mis en cause l’abandon de la souveraineté, le retard de la traduction hongroise du traité mais aussi bien la question à poser a été critiquée. La Cour Constitutionnelle a d’abord répété[6] le dictum précité en y ajoutant des précisions portant sur le contenu de ladite modification constitutionnelle. „Pour des raisons similaires, la Cour Constitutionnelle ne peut ni contrôler, ni annuler la loi modifiant la Constitution et qui porte sur l’adhésion de la République de Hongrie à l’Union européenne.”[7] Si on joue avec l’hypothèse de l’écartement éventuel d’une disposition constitutionnelle, vraisemblablement, la même approche s’appliquerait.
III. La position du droit international au droit hongrois En même temps, si on ne réclame pas „l’écartement” d’une clause constitutionnelle, mais on réfléchit sur les termes de la solution des différents types de conflits entre la Constitution et un engagement international, on peut découvrir l’échappatoire traditionnelle de l’interprétation de la doctrine Matter (ou selon la terminologie allemande, la völkerrechtsfreundliche Auslegung). La Cour Constitutionnelle hongroise a eu plusieurs fois recours à cette méthode pour servir la cause de la Constitution tout en respectant les engagements internationaux contractés. Cette approche peut être symbolisée par la résolution que la Cour Constitutionnelle a adoptée dans l’affaire 53/1993. (X.13.) AB où elle a dû rendre une résolution en matière de l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité. Cette affaire a permis à la Cour d’exprimer d’une manière cohérente ses vues sur les rapports entre le droit interne et le droit international et elle a interprété la disposition pertinente[8] de la Constitution. Ici, la Cour a interprété ces règles dans l’esprit de la version dite ”adoption générale” du dualisme. La Cour a évoqué la première partie de l’article 7 (1), qui dispose que «l'ordre juridique de la République de Hongrie accepte les règles universellement reconnues du droit international», et elle a constaté que „ces «règles universellement reconnues» font partie intégrante du droit hongrois, sans besoin de recourir à une transposition ultérieure. La transposition dans la présente forme abstraite – donc sans énumération ou définition desdites règles – a été effectuée par la Constitution même. Ceci dit, les règles universellement reconnues ne font pas partie de la Constitution, mais elles sont des «engagements contractés». Le fait que c’est la Constitution qui contient l’engagement et la transformation ne concerne en rien la hiérarchie entre la Constitution, le droit international et le droit interne. Cette incorporation générale dans le droit interne n’exclut point que certaines «règles universellement reconnues» soient définies (aussi) dans des conventions spécifiques et qu’on procède à leur transformation. La Charte de l’ONU et les Conventions de Genève contiennent donc des règles de cette nature”[9]. Après cette introduction, la Cour a trouvé le chemin vers l’harmonisation des règles de droit international à l’aide de l’interprétation de la Constitution avec une sympathie pour le droit international. „Même si dans la hiérarchie des sources juridiques, les principes généralement reconnus du droit international ne se situent pas au niveau de la Constitution, l’obligation constitutionnelle de garantir leur harmonie avec le droit interne doit être assumée de la manière qu’on interprète la Constitution en tenant compte de ces normes spécifiques du droit international.”[10] „L’article 7(1) de la Constitution veut dire inter alia que la République de Hongrie participe à la communauté des nations suite à une disposition de la Constitution: cette participation est donc un commandement constitutionnel. Il s’en déduit qu’il faut interpréter la Constitution et le droit interne de la manière que les principes généralement reconnus du droit internatonal puissent réellement produire leurs effets.”[11]
IV. La Constitution comme limite du „favor conventionis” Pourtant, il y a aussi bien des limites car la concordance ne peut pas toujours être assurée par une interprétation généreuse. Comme la Cour l’a relevé dans une affaire portant sur la compatibilité constitutionnelle de l’accord d’association entre la Hongrie et les Communautés européennes où en matière du droit de la concurrence, le traité d’association (1992) a stipulé le suivi automatique de l’acquis communautaire: „La mise en oeuvre du principe „favor conventionis” trouve ses limites là où suite à une interprétation du droit hongrois en conformité avec un traité international c’est déjà la Constitution qui est lésée. Dans le cas où une interprétation adéquate d’une obligation internationale produit la violation (….) de la Constitution, l’harmonie requise par l’article 7(1) de la Constitution n’est pas réalisée.”[12] Il est à noter que la Cour Constitutionnelle n’a pas mis en cause la logique que lors de l’appréciation du droit de la concurrence communautaire, il faudrait tenir compte de la jurispudence luxembourgeoise ainsi que des normes adoptées par la Commission, mais la situation constitutionnelle est différente selon le fait que le pays est déjà membre de l’Union européenne ou qu’il ne l’est pas encore. (Et lors du prononcement de cette résolution, la Hongrie était encore dans la salle d’attente….) La Cour n’a pas accepté qu’on puisse libeller un chèque en blanc pour un système extérieur et surtout sans disposition constitutionnelle contenant un mandat à cette fin.[13] Que faire dans une telle situation? Les solutions théoriques possibles ont été esquissées dans la résolution 4/1997. (I.22.) AB. Dans cette affaire la Cour a répondu à une requête individuelle qui a critiqué la loi sur la Cour Constitutionnelle réservant la compétence à mettre en cause la constitutionnalité d’un traité international au chef d’État, au gouvernement ou aux députés, bien qu’elle garantisse, en même temps, le droit à la Cour Constitutionnelle de se saisir ex officio. Après avoir parcouru la logique de ce locus standi, la Cour est arrivée à énumérer les conséquences d’une résolution constatant ’inconstitutionnalité d’un traité: „Suite à la résolution de la Cour Constitutionnelle, le législateur est obligée d’assurer – si nécessaire aussi bien par une réforme constitutionnelle[14] - l’harmonie entre les obligations internationales contractées et le droit interne.”[15] Dans la partie des motifs, la Cour a développé plus en détails les arguments militant en faveur de la solution selon laquelle il faut veiller paralèllement au respect de la Constitution et du principe „Pacta sunt servanda”. Ce respect mutuel doit être garantis par des moyens qui ne mènent pas pour autant à la primauté du droit interne sur le droit international. „Dans le cas où la Cour Constitutionnelle arrive à constater l’inconstitutionnalité d’une des dispositions d’un traité international, elle constate l’inconstitutionnalité de la loi de promulgation. Or, la résolution constatant cette inconstitutionnalité ne produit pas d’effet sur l’obligation internationale de la République de Hongrie. Le législateur doit garantir l’harmonie entre l’obligation internationale et le droit interne: la Cour Constitutionnelle a le pouvoir de suspendre la délibération sur la fixation de la date de l’annulation pour un délai opportun jusqu’à ce que ladite harmonie soit réalisée.”[16] „La résolution de la Cour Constitutionnelle constatant une inconstitutionnalité ne devrait pas produire d’effet sur les engagements internationaux de la République de Hongrie. Suite à cette résolution de la Cour Constitutionnelle, le législateur doit garantir l’harmonie entre l’obligation internationale et le droit interne: ou bien par le fait que la République de Hongrie dénonce la partie du traité international qui contredit à la Constitution, ou bien par le fait qu’on arrive à modifier le texte du traité ou bien – en cas de besoin – c’est la Constitution qu’on doit modifier. La Cour Constitutionnelle a le pouvoir de suspendre la délibération sur la fixation de la date de l’annulation pour un délai opportun jusqu’à ce que ladite harmonie soit réalisée.”[17] Finalement, le législateur a profité de la logique de ces dicta aussi bien lors de la solution du problème de la constitutionnalité de l’importation de l’acquis communautaire du droit de la concurrence. (cf. la résolution 30/1998. (VI.25.) AB précité.) Qu’on note que la solution de ce problème a été réalisée en deux temps: d’abord, lors de la période de l’association, le législateur hongrois a adopté une loi contenant l’acquis communautaire en matière du droit de la concurrence, mais la solution définitive était un amendement constitutionnel précédant l’adhésion de la Hongrie à l’Union européenne[18].) On a vu supra que la Cour Constitutionnelle peut compter sur l’adoption d’une réforme constitutionnelle pour sortir de l’impasse produite par la conclusion d’un traité inconstitutionnel. Pour autant, la Cour Constitutionnelle hongroise – contrairement à l‘exemple polonais en matière du mandat d’arrêt européen[19] - n’est pas encore arrivée à ce qu’elle montre au législateur qu’il est temps d’agir ès qualité de pouvoir constituant. La doctrine estime que la Cour Constitutionnelle sort des limites de ses compétences si elle invite le constituant à entrer en action. Qu’on note quand même qu’il s’agit ici d’une procédure (ou plutôt d’une approche) de deux tacts. D’abord, la Cour Constitutionnelle arrive à constater l’inconstitutionnalité et c’est seulement par la suite que l’Assemblée nationale fait son et agit ou bien comme législateur (et contrepoids de l’exécutif) ou bien en tant que pouvoir constituant. Ceci veut dire qu’ici non plus, on ne peut parler de l’écartement stricto sensu d’une disposition constitutionnelle, car c’est bel et bien cette disposition qui a servi de base pour le constat sur l’inconstitutionnalité.
V. Le traité international comme modification « cachée » de la Constitution ? Il est à souligner que la Cour Constitutionnelle refuse non seulement la conclusion des traités internationaux contraires aux dispositions constitutionnelles, mais elle a aussi rejèté le concept qu’on puisse apporter des « ajouts » à la Constitution par la conclusion de certains traités: „La Cour Constitutionnelle tient à souligner (…) que l’Assemblée nationale ne peut enfreindre l’article 2.§ (1-2)[20] de la Constitution, ni par l’adoption, ni par la promulgation des traités internationaux.”[21] Elle y a ajouté: „L’Assemblée Nationale n’est pas autorisée à effectuer une réforme constitutionnelle déguisée par la simple ratification ou promulgation d’un traité international.”[22]
VI. Effets réciproques de la Constitution et du droit international Quelles pourraient être les indices jurisprudentielles montrant quand même une certaine ouverture éventuelle à la question de notre conférence ? Il est à noter tout d’abord que l’aproche « adoptionniste » de la Constitution hongroise offre une certaine marge de manoeuvre, soulignée par la Cour: "Les engagements des traités internationaux – qui n’appartiennent pas au cercle des règles de jus cogens international, ne peuvent pas produire d’effet en ce qui concerne leur contenu qui soit contraire à la Constitution."[23] A contrario, le jus cogens peut se prévaloir sur une disposition constitutionnelle, même s’il est très difficile d’imaginer un conflit de ce genre, sauf des hypothèses d’école. L’autre possibilité théorique est que la Cour Constitutionnelle profite de l’existence des dispositions constitutionelles pour faire valoir un engagement international. Prima facie, les dispositions sur le statut du droit international[24] et l’Union européenne[25] semblent être les plus prometteuses à cet égard. En même temps, certains autres articles[26] offrent aussi d’appuis, mais la Cour Constitutionnelle n’en a pas encore profité. Là, où les clauses constitutionnelles[27] sont quasi équivalante aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme ou du Pacte international relatif aux droits civiques et politques, il est un impératif logique et opportun, de les interpréter tout en tenant compte de la jurisprudence strasbourgeoise. Il est à noter cependant que le suivi de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme n’apparait pas toujours avec les références directes aux arrêts de la CEDH.
VII. Le mandat d’arrêt européen devant la Cour constitutionnelle hongroise Mais quid du législateur quand il arrive de son propre gré à sentir la nécessité d’une réforme constitutionnelle? Une telle décision s’impose à la Cour Constitutionnelle. La situation est quand même plus délicate quand le constituant intervient en plein milieu de l’examen d’une affaire concrète comme ceci s’est passé avec le mandat d’arrêt européen qui a été déféré devant la Cour Constitutionnelle.[28] L’accord a été déféré à la Cour par le président de la république qui fut jadis le président de la Cour constitutionnelle. Il a sollicité l’examen constitutionnel a priori par rapport au texte de la loi que le parlement avait adoptée avec la double finalité: i. d’habiliter le président de la république à ce qu’il effectue la ratification et ii. de promulguer l’accord donc pour réaliser la transformation nécessaire dans un pays d’inspiration dualiste. Contrairement au motif principal du contrôle de la constitutionnalité exercé dans d’autres pays à savoir l’extradition éventuelle des citoyens (ou plus exactement et selon le langage de l’accord, leur „remise”[29]), le souci du chef d’État hongrois se résidait dans la compatibilité de l’accord avec le principe nullum crimen sine lege dont la formulation dans l’article 57(4) de la constitution hongroise est la suivante: „Nul ne peut être déclaré coupable ni puni pour des actions qui ne constituaient pas un acte délictueux selon le droit hongrois au moment où elles ont été commises.” La Cour Constitutionnelle a entamé les délibérations sur la constitutionnalité de la loi de promulgation de l’accord, adoptée donc par le parlement mais non encore promulguée par le chef d’État. Entre octobre et décembre, la Cour a consacré plusieurs séances à l’examen de l’affaire, mais entretemps, les circonstances constitutionnelles ont changé. Le 17 décembre 2007, à la dernière journée de sa session extraordinaire d’hiver, l’Assemblé nationale a voté la ratification du traité de Lisbonne (le traité de réforme de l’Union européenne, substituant le traité constitutionnel avorté à l’issue des plébiscites hollandais et français) et en tant que pouvoir constituant, elle a adopté la modification de la Constitution. Cependant, cette modification entrera en vigueur d’une manière retardée, liée à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Le président de la République a promulgé aussi bien le traité de Lisbonne[30] et la modification de la Constitution. [31] Cette modification – qui entrera en vigueur seulement quand le traité de Lisbonne entre en vigueur – est en effet un amendement du texte en vigueur et se lit comme suit: „Nul ne peut être déclaré coupable ni puni pour des actions qui ne constituaient pas un acte délictueux selon le droit hongrois – ou, afin de faire valoir le principe de la reconnaissance mutuelle des résolutions émanant des actes juridiques de l’Union Européenne, mais ne limitant nullement le contenu essentiel des droits fondamentaux, selon le droit d’un autre État partenaire à la création d’une espace fondée sur la justice, la sécurité et la liberté- au moment où elles ont été commises.”[32] La Cour Constitutionnelle a dû donc achever l’examen de la requête présidentielle entre ces nouvelles circonstances. Le 11 mars 2008, la résolution – dont l’auteur de ces lignes était le juge-rapporteur - a été finalement adoptée[33], avec des opinions dissidentes[34] et des opinions individuelles[35]. La Cour a constaté l’inconstitutionnalité de la loi de promulgation tout en veillant au fait que ce constat ne concerne ni l’accord de l’Union européenne avec la Norvège et l’Islande, ni la décision-cadre 2002/584/JAI. La Cour a répété plusieurs fois dans sa résolution que l’inconstitutionnalité concernait „la loi et seulement la loi.”[36] La Cour a souligné le fait que l’absence de norme correpondante dans le code pénal au délit du trafic illicite de substances hormonales et autres facteurs de croissance est un obstacle à la promulgation.[37] En plus, la Cour a relevé que le texte hongrois de la loi de promulgation (qui était cependant identique au texte de la version hongroise du Journal Officiel de l’Union Européenne et dont le nom est „Európai Unió Hivatalos Lapja”) a utilisé des formules et des structures dont le contenu n’était pas totalement identique à la version anglaise, française[38], allemande, italienne etc. du Journal Officiel.[39].[40] (Le texte hongrois de la décision-cadre 2002/584/JAI n’a présenté aucune ambigüité à cet égard.) Selon les règles communautaires, toutes langues nationales sont d’une valeur identique, sans aucune langue faisant foi en cas de doute. La Cour est arrivée donc à la conclusion qu’une telle ambigüité est inacceptable[41] et qu’en cas d’un contrôle a priori, elle est en droit d’en tirer les conséquences. La Cour a constaté qu’il existe un troisième point problématique dans le texte hongrois de l’accord. L’alinéa 3 de l’article 3, s’occupant de la poursuite pour complicité dans des actes de terrorisme ou de crime organisé, utilise dans les clauses portant sur la „complicité” un tel terme technique qui n’a pas eu d’équivalant dans le code pénal hongrois Or, une telle différence entre un engagement international et le code pénal se heurte aux principes constitutionnels de la légalité du droit pénal.[42] La Cour constitutionnelle a constaté donc l’inconstitutionnalité de la loi de promulgation de l’accord[43], mais elle a souligné que ceci ne veut pas dire un avis négatif sur le contenu de l’accord. Il s’agit seulement d’un obstacle constitutionnel devant l’incorporation.[44] L’amendement constitutionnel n’étant pas en vigueur, la Cour ne pouvait pas l’utiliser pour résoudre ce conflit.[45] La Cour a admis cependant qu’après l’entrée en viguer de cet amendement constitutionnel, les différences mineures éventuelles entre le droit hongrois et les droits islandais et norvégien pourraient être résolues automatiquement dû à l’habilitation donnée par la Constitution.[46] La Cour a rappelé aussi que l’Assemblée nationale serait en droit d’accélérer le processus de la mise en vigueur de l’amendement ou de trouver un autre moyen pour éliminer l’inconstitutionnalité qui a été constatée.[47] Mais jusqu’à l’entrée en vigueur de l’amendement constitutionnel – ou à l’extinction de la situation inconstitutionnelle par d’autre moyen – le président de la république doit refuser la signature de la loi de promulgation de l’accord.[48]
VIII. Conclusions En guise de conclusion on peut donc arriver à constater que la Cour Constitutionnelle de la République de Hongrie n’a pas encore rencontré directement le problème de l’écartement d’une disposition constitutionnelle afin de faire valoir un engagement international. Même si à première vue, la réponse logique de la Cour Constitutionnelle est un „non” catégorique, on peut trouver des indices jurisprudentielles qui laissent supposer le réveil de la Belle au Bois dormante, c’est à dire une approche pragmatique qui inclut sous certaines conditions sur une prise en compte accrue d’un engagement international. Mais l’état actuel de la jurisprudence ne fournit pas encore de preuve suffisante pour dire que la Cour pourrait (ou a fortiori devrait) écarter une disposition constitutionnelle pour promouvoir un engagement international. Par contre, une interprétation syncronisante semble être un moyen approprié pour la Cour pour résoudre le problème sans violer la primauté[49] de la Constitution.
[1] Péter Kovács est juge à la Cour constitutionnelle de la République de Hongrie et professeur de droit international à l’Université Catholique Péter Pázmány. (Les considérations ci-dessous sont développées ès qualité d’universitaire et bien entendu n’engagent en rien la Cour constitutionnelle.) [2] Cet article a été publié à la première fois dans le Jahrbuch für Ostrecht (Band 50 (200), édité à l’Institut für Ostrecht (Münich). L’auteur exprime ses remerciements à M. Herbert Küpper, rédacteur en chef du JOR pour avoir consenti à la republication de cet article dans le MJIL. [3] Cet article suit le rapport présenté à la conférence de droit constitutionnel organisée les 16-17 Mai 2008 par le Tribunal Constitutionnel d’Andorre) autour de la question „Les cours constitutionnelles peuvent-elles écarter une norme constitutionnelle afin de faire valoir une norme d’un engagement international?” [4] Décision 23/1994. (IV. 29.) AB, ABH 1994, 375, 376. et décision 293/B/1994. AB, (Az Alkotmánybíróság Határozatai - Recueil des Résolutions de la Cour Constitutionnelle, infra: ABH) ABH 1994, p. 862. [5] La loi LXI de l’an 2002 contenait aussi une clause (notamment le § 10) que cet article (article 79) qui a été ajouté à la fin de la Constitution sera abrogé automatiquement avec la promulgation du traité d’adhésion. [6] Déc. 14/2003. (IV.9.) AB, ABH 2003 p.905 [7] Déc. 14/2003. (IV.9.) AB, ABH 2003 p. 906 [8] „Article 7 - 1. L'ordre juridique de la République de Hongrie accepte les règles universellement reconnues du droit international et garantit l'harmonie entre ses engagements contractés dans le domaine du droit international et le droit interne.” [9] Rés. 53/1993. (X.13.) AB, ABH 1993 p. 327 [10] Rés. 53/1993. (X.13.) AB, ABH 1993, 334 [11] Rés. 53/1993. (X.13.) AB, ABH 1993, 327 [12] Rés. 30/1998. (VI.25.) AB: ABH 1998 p.237 [13] „La disposition selon laquelle les normes de droit public, propres à la Communauté [européenne] doivent produire effet au sein de l’ordre juridique hongrois, dans les rapports juridiques établis entre l’État hongrois et les sujets de droit se trouvant sous sa souveraineté, (…) se heurte aux aliénas 1 et 2 de l’article 2. Il s’agit d’une exigence constitutionnelle, dérivée du principe de la souveraineté du peuple et de l’état de droit démocratique qu’en Hongrie, le pouvoir public ne peut être exercé que sur la base de la légitimation démocratique.” Rés. 30/1998. (VI.25.) AB,: ABH 1998 p. 238-239 [14] C’est l’auteur qui souligne. [15] Rés. 4/1997. (I.22.) AB, ABH 1997, p. 41 [16] Rés. 4/1997. (I.22.) AB: ABH 1997, p. 41 [17] Rés. 4/1997. (I.22.) AB, ABH 1997, p. 52 [18] Article 2/A de la Constitution: „1. La République de Hongrie, en tant que membre de l'Union européenne peut, en application d'un traité, exercer certaines compétences constitutionnelles en commun avec d'autres États membres dans la mesure nécessaire à l'exercice des droits et des obligations prévus par les traités de fondation de l'Union européenne et des Communautés européennes (ci-après désignées comme l'« Union européenne ») ; ces compétences sont exercées séparément et au moyen des institutions de l'Union européenne”. [19] Jugement No P 1/05 du 27 avril 2005 de la Cour Constitutionnelle de la République de Pologne. [20] Article 2.:1. La République de Hongrie est un État de droit souverain et démocratique 2. En République de Hongrie tout le pouvoir appartient au peuple, qui exerce la souveraineté nationale directement ou par ses représentants élus.” [21] Rés. 30/1998. (VI.25.) AB: ABH 1998, p. 234 [22] Rés. 30/1998. (VI.25.) AB: ABH 1998 p. 234 [23] Rés. 30/1998. (VI.25.) AB: ABH 1998 p. 237 [24] Article 7 de la Constitution: „(1.) L'ordre juridique de la République de Hongrie accepte les règles universellement reconnues du droit international et garantit l'harmonie entre ses engagements contractés dans le domaine du droit international et le droit interne. [25] Article 2/ A de la Constitution: „(1). La République de Hongrie, en tant que membre de l'Union européenne peut, en application d'un traité, exercer certaines compétences constitutionnelles en commun avec d'autres États membres dans la mesure nécessaire à l'exercice des droits et des obligations prévus par les traités de fondation de l'Union européenne et des Communautés européennes (ci-après désignées comme l'« Union européenne ») ; ces compétences sont exercées séparément et au moyen des institutions de l'Union européenne. [26] Article 6 de la Constitution „4. La République de Hongrie prend une part active à l'établissement de l'unité européenne pour parvenir à la liberté, au bien-être et à la sécurité des peuples européens.” Article 8 de la Constitution „(1.) La République de Hongrie reconnaît les droits fondamentaux, inviolables et inaliénables de l'homme; leur respect et leur protection sont une obligation primordiale de l'État.” [27] Le Chapitre XII de la Constitution, intitulé „Les droits et obligations fondamentaux” contient des formules qui sont très proches de la Convention européenne des droits de l’homme. [28] Kovács, Péter: A la recherche du bon chemin… - ou l’affaire du mandat d’arrêt européen devant la Cour constitutionnelle hongroise in: Mouton, Jean-Denis (ed): La France, l’Europe et le Monde (Mélanges en l’honneur de Jean Charpentier) –. Presses Universitaires de Nancy 2008 (sous parution) [29] „Surrender” en anglais. [30] loi CLXVIII de l’an 2007 sur la promulgation du traité de Lisbonne [31] loi CLXVII de l’an 2007 modifiant l’article 57(4) de la Constitution [32] C’est l’auteur qui souligne. [33] Résolution 32/2008. (III.12) AB, ABH 2008, p. 325-360 [34] Écrites par les juges Bragyova et Lévay. [35] Écrite par le juge Paczolay. Les juges Holló, Trócsányi és Kukorelli s’y ralliaient. [36] ABH 2008, p. 337 et 338. Cette formule („la loi et seulement la loi”) est répétée deux fois sur cette page. [37] ABH 2008, p. 341 [38] „2. Sans préjudice des paragraphes 3 et 4, la remise est subordonnée à la condition que les faits pour lesquels le mandat d’arrêt a été émis constitutient une infraction au regard du droit de l’État d’exécution, quels que soient les éléments constitutifs ou la qualification de celle-ci.” [39] Tandis que les versions linguistiques précitées témoignent d’une identité délibérée entre l’alinéa 2 de l’article 3 de l’accord et l’alinéa 2 de l’article 4 de la décision-cadre, la version hongroise en était différente, à cause de l’utilisation d’une ponctuation différente, ce qui a donné deux lectures possibles au texte avec des contenus opposés. D’une manière surprenante, le texte hongrois de l’accord offrait une lecture laissant penser que l’État ne pourrait pas faire valoir du tout son propre droit national lors de l’examen d’une demande de remise quant au contrôle de la double-incrimination. [40] ABH 2008, p. 337-338 [41] ABH 2008, p. 3338 [42] ABH 2008, p. 340 [43] ABH 2008, p. 338, 340, 342 [44] ABH 2008, p. 343 [45] ABH 2008, p. 344 [46] ABH 2008, p. 344 [47] ABH 2008, p. 344 Selon l’opinion personnelle de l’auteur, la rectification des versions linguistiques hongroises problématiques du Journal Officiel de l’Union Européenne, à effectuer sur demande du gouvernement hongrois et surtout l’amendement du code pénal hongrois avec un clause sur le trafic illicite de substances hormonales et autres facteurs de croissance seraient des mesures assez logiques et vraissemblablement adéquates. En plus, si l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne était retardée à cause du ralentissement éventuel de la procédure de ratification, le législateur hongrois (ès qualité de pouvoir constituant) pourrait accélérer l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle par la fixation d’une date précise. Ceci nécessiterait cependant la modification de la clause du texte portant sur la date de l’entrée en vigueur, définie comme on l’a vu supra, par son rattachement à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Addendum en mars 2010 : Finalement, le législateur hongrois a attendu la fin de la longue saga du traité de Lisbonne et après l’entrée en vigueur de celui-ci le 1 décembre 2009, la modification de la constitution l’a suivi. Malgré tout, l’accord de l’Union européenne avec la Norvège et l’Islande n’est pas encore promulgé: après que la résolution de la Cour Constitutionnelle a été rendue, le chef de l’État a renvoyé le texte de la loi au parlement, sans sa signature. Donc pour le moment, la loi de promulgation est „non avenue”. [48] ABH 2008, p. 344 [49] On entend ici la primauté non pas dans le sens que l’école „moniste” lui attribue et sûrement pas dans le sens de la primauté du droit national sur le droit international.
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