Journal of the International Law Department of the University of Miskolc


Miskolc Journal of International Law

Miskolci Nemzetközi Jogi Közlemények

 

Vol. 6. (2009) No. 2. pp. 28-43.

 

Blaise Tchikaya[1]:


Le droit international des migrations, aspects récents

 
Note à la suite du Forum mondial de Manille de 2008

 

  

Introduction

 1. Entre condescendance et cynisme, le droit des États hésite encore dans la construction d’un système juridique permettant le partage des ressources faramineuses déjà produites par la communauté mondiale. L’importante question des migrations internationales en est une illustration. S’est en effet tenu à Manille du 27 au 30 octobre 2008, le Forum mondial sur les migrations et le développement organisé par les Nations-Unies. Celui-ci était le second ; le premier, toujours présidé par le Secrétaire général des Nations-Unies, Ban ki-Moon, avait pris place à Bruxelles au mois de juillet de l’année 2007. L’objet et la finalité de ces forums, dont-il sera question, esquissés par le premier, seront clairement perçus à Manille. Et, bien plus qu’il n’y parait, la position et les principes soutenus pendant ces deux rencontres résument l’état actuel du droit international des migrations[2].

 2. Deux cents millions de personnes résident actuellement dans un pays différent de celui où elles sont nées[3] et, quelques pays viennent en tête des chiffres actuels sur les mouvements migratoires : la Chine, le Maroc, le Mexique et les Philippines. Mais, la question est foncièrement mondiale. Elle est si importante, que la quasi-totalité des gouvernements  se sont  d’ores et déjà engagés à la traiter au plus haut niveau de l’État. Tous les pays semblent déjà avoir pris conscience de l’importance du lien entre migration et développement et l’ont intégré dans leur politique[4]. Pour le Secrétaire général des Nations-Unies, en effet, la question des migrations doit être examinée dans son ensemble et, sous ses divers aspects.  Elle concerne désormais des centaines de millions de personnes et se pose aux pays d’origine, de transit et de destination. Il s’agit de mieux comprendre les causes des mouvements internationaux de populations et leurs liens complexes avec le développement[5].  C’est dans ce contexte que s’est développé, entre les Etats et, entre eux et les organisations non-gouvernementales, un débat mondial sous les hospices des Nations-Unies, sous forme de Forum, afin de dynamiser le droit applicable aux migrations internationales. Ces sommets ont été appelés GFMD (Global Forum of Migrants and Development).

 3. Le Représentant spécial pour les migrations et le développement, Peter Sutherland[6], bien connu des internationalistes, concluait le sommet de Manille en ces mots : « Les Etats ne souhaitent pas donner davantage d’autorité aux Forums. Tout au plus, seraient-t-il un cadre de discussion et de présentation des bonnes pratiques, voire des échecs de leurs réalisations ». Ceci rejoint dans l’ensemble la lettre de mission de ces Forums telle que l’avait présentée le Secrétaire général des Nations-Unies à Bruxelles en 2007. Les Forums donnent « l’occasion pour commencer à transformer en une possibilité ce qui trop souvent est perçu comme une menace.  Nous sommes dans l’obligation de comprendre les implications du phénomène des migrations, d’apprendre les uns des autres et d’édifier des partenariats qui mettront les migrations au service du développement ». Il poursuivait en précisant la place des Etats auxquels on ne pouvait dicter le nombre de migrants qui « devraient ou ne devraient pas entrer dans leur pays ou en sortir.  De telles décisions devraient être prises pour les individus dans le cadre des lois de chaque nation souveraine »[7].

 4. Par ailleurs, il y a de façon spécifique, la « pomme de discorde » : les droits des migrants[8]. On sait que c’est alors que s’annoncent les difficultés économiques et sociales européennes dans les années 1970 que l’Organisation des Nations Unies lance la discussion sur les droits des travailleurs migrants.  En 1972, le Conseil économique et social, dans sa résolution 1706 (LIII), a pris note avec inquiétude du transport illégal, vers des États européens, de travailleurs originaires de certains États d’Afrique et de leur exploitation « dans des conditions analogues à l’esclavage et au travail forcé ». Et, dans sa résolution 2920 (XXVII) de 1973, l’Assemblée générale a condamné la discrimination contre les travailleurs étrangers en demandant l’amélioration de leurs conditions d’accueil.

 5. Avec ces prescriptions, le second Forum s’ouvre donc à Manille, avec pas moins de 122 délégations venues des quatre coins du monde. Les pays A.C.P. vont y faire une déclaration critique remarquée et une manifestation parallèle d’opposition au Forum aura lieu  pendant la session réservée à la société civile. Cette manifestation sera très vite maîtrisée par les autorités philippines.

 6. Aujourd’hui, la problématique dominante est la suivante : qu’entendent véritablement amorcer ces forums ? Emportent-ils peu ou prou de nouveaux espaces de modélisation normative au sein desquels, en procédant par touches successives, on atteindrait la décision intergouvernementale ?  En fait, les accords normatifs des Etats ne répondent que très lentement aux nouveaux courants qui traversent la vie sociale internationale, fussent-ils essentiels. Depuis longtemps, tout au moins par le travail accompli par la Société des nations (S.D.N.) au début du 20ème siècle[9],  les phénomènes migratoires, transfrontaliers par nature, avaient retenu le cadre normatif international[10], sans jamais parvenir à traiter l’intégralité de la question, ni ses aspects principaux. Aujourd’hui, une actualisation semble se dessiner. Les Etats acceptent de mettre en place des mécanismes d’éclosion d’un cadre nouveau pour les migrations sans se défaire de leurs attributs de souveraineté dans le domaine.

 7. Pour rendre compte de ces Forums, seront examinés leurs fondements (I), ensuite sera montré le fait que les Forums ne reflètent que les controverses existants et la bipolarité des Etats dans ce secteur de la vie juridique internationale (II).

  

I.        Les fondements du  Forum mondial sur les migrations et le développement

 8. Les forums traduisent un compromis sur le mode d’évolution du droit international des migrations. Le concept de « Forum » sied peu au regard de l’ampleur diplomatique de ces rencontres[11]. Il s’agira donc ici de porter une réflexion sur les origines complexes des forums. Il est à signaler d’entrée que le concept de développement accolé à celui de migration reste peu évident. L’assemblée générale des Nations-Unies à l’initiative de laquelle les forums mondiaux ont vu le jour lie, sans autres précisions, la protection des droits des migrants avec l’impératif du développement.  

 

a) Une initiative des Nations-Unies

 9. A la surprise générale, la question des migrations jusque là mise sous le boisseaux devient ouvertement une forte préoccupation des Nations-Unies à partir des années 90. Les Nations-Unies ont à cet effet poussé la communauté internationale à réfléchir sur la cause des migrants[12]. Il faut, au moins en partie, y voir la volonté obstinée du Secrétaire général, Kofi Annan[13]. La résolution 58/208 du 23 décembre 2003 de l’Assemblée générale a décidé de consacrer un Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement[14]. Son but est de discuter les aspects multidimensionnels des migrations internationales et le développement afin d’identifier les façons adéquates de maximiser les bénéfices des migrations et d’en minimiser ses impacts négatifs. Le Dialogue de haut niveau s’est concentré sur la question des politiques à mettre en place en gardant comme objectif les buts de Développement du Millénaire.

 10. Un Dialogue de haut niveau sur le sujet est ainsi convoqué en septembre 2006. Appellation « mystérieuse » qui cache simplement un cadre de discussion non décisionnel. Il aura lieu à New York. C’est de ce Dialogue que prennent naissance les Forums mondiaux qui vont suivre. Les Nations Unies souhaitèrent se pencher, pour la première fois, à un niveau diplomatique élevé sur la question migratoire à laquelle elles associèrent le développement.  Déjà en 2003, a été mise en place la CMMI (Commission mondiale des migrations internationales, Co présidé par M. Jan O. Karlson, de la Suède et Dr. Mamphela Ramphele, Ex-Ministre des migrations et du développement, de l’Afrique du Sud) afin de comprendre et de suivre les réalités migratoires sur la scène internationale. La Commission explorait également des voies nouvelles et novatrices en matière de coopération régionale et internationale sur les questions de migrations afin d’en faire valoir les points positifs. Elle a rendu public un Rapport à l'intention du Secrétaire général de l'ONU et de la communauté internationale[15].

 11. L’impératif d’un nouvel échange migratoire est exprimé par le Directeur général[16] de l’Organisation internationale pour les migrations (O.I.M.) à l’occasion de ce dialogue. Le besoin de mieux faire concorder, dit-il, l’offre et la demande mondiale de main d’œuvre est au centre du débat actuel sur la migration. En remédiant à ce manque de concordance, non seulement on obtient des résultats significatifs en termes de développement économique mondial, mais on contribue en outre à lutter contre la migration irrégulière. Un problème qui découle directement de cette non-concordance entre l’offre et la demande. L’idée est judicieuse, elle ne dit cependant pas les moyens, ni l’engagement des Etats sur sa réalisation.

 12. Les initiatives des Nations-Unies ont été nombreuses depuis la tenue du premier Forum de Bruxelles en 2007. L’une d’elle a été lancée conjointement avec l’Union européenne. Avec la Commission européenne elle a lancé une initiative conjointe sur la migration et le développement d’une durée de trois ans. Celle-ci est destinée à appuyer les organisations de la société civile et les autorités locales dans ce domaine et ce, en accord avec les cadres de politiques internationales. Un appel conjoint vise les organisations de la société civile et les autorités locales actives dans le domaine. Sont visés les pays du Sud et du Nord, afin de soutenir leurs capacités.[17]

  

b) L’apport conceptuel de l’Organisation internationale des migrations (OMI) au forum mondial

 13. Il a fallut sortir de la vision classique du droit international. Le sommet de Manille, comme celui de Bruxelles, traduisent deux éléments qui renouvellent, en partie au moins, le droit international dans son contenu et sa finalité: 1) ils consacrent une élaboration au sein de laquelle les Etats discutent et négocient conjointement avec les personnes privées ; 2) En second lieu, la finalité principale n’est pas étatique. Elle est également affectée aux individus. On peut y retrouve l’approche sociologique de Georges Scelle en droit international qui voyait en ce droit l’intérêt préalable de l’individu avant celui des Etats[18]. C’est en ce sens que l’Organisation internationale des migrations a fait admettre, du seul fait de son existence et de son travail, que la régulation des flux et l’édiction des normes internationales sur les droits des migrants ne pouvaient pas être l’apanage des Etats souverains. Il serait réducteur que sur un territoire, la législation nationale soit la seule source du droit applicable en matière de migration[19].

 14. Du fait de la mobilité dans le monde, les Etats ont admis qu'ils ne pouvaient gérer de façon isolée les migrations. Il est enfin admis aujourd’hui qu'une coopération régionale et internationale est nécessaire dans ce domaine[20].

 15. Persuadée que des migrations organisées s’effectuant dans des conditions décentes, profitent à la fois aux migrants et à la société d’accueil, l’Organisation internationale des migrations aura été essentielle dans la construction de cette idée. Son apport n’aura pas été que théorique, elle s’est faite par des activités opérationnelles qui auront durée une cinquantaine d’années. En 1951, un Comité intergouvernemental avait été mis en place pour les mouvements migratoires de personnes qu’a connus l’Europe de l’Ouest à la fin de la deuxième guerre mondiale[21].

 16. Dans la déclaration que M. Lacy William Swing fait quelques jours après le Sommet de Manille, il reprécise la position de l’Organisation mondiale pour les migrations. Outre les migrations irrégulières – phénomène sans issu -, il rappelle les impératifs du sujet : l’intégration des migrants dans leur société d’accueil et le développement solidaire[22]. Or, ces deux questions semblent être survolées par les forums qui traduisent d’autres préoccupations. Il apparaît que par sa contribution au forum mondial, l’OIM complète progressivement sa mission opérationnelle initiale et offre son expertise aux Nations-Unies.

  

c) L’accord fragile des Forums autour du principe de la protection des droits des migrants

 17. Une certaine prise de conscience de l’urgence dans la protection des droits des migrants se fait jour. Cette prise de conscience internationale était visible à Manille. Le principe n’est, en réalité, pas nouveau. Il est contemporain de l’éclosion des grands principes du droit international des migrations. Des principes que l’on retrouve dans divers textes internationaux relatifs à la protection des personnes. La Déclaration universelle des droits de l’homme le formule en élaborant un régime général des droits des personnes quelles que soient leurs origines: « Il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire … »[23]. A l’occasion de questions extérieures aux migrations, les droits des migrants ont été soulignés comme répondant à des nécessités. Il en a été ainsi par exemple lors de la négociation de la convention internationale concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité de 1930[24].

 18. Le principe connaît également une certaine inconstance dans le système européen[25]. Le juge communautaire est intervenu à diverses reprises, et encore récemment[26], par d’importantes et nombreuses décisions[27] afin de conforter le principe[28]. Il l’a également fait en faveur des membres des familles des migrants, tel que le formule la Convention de 1990[29]. L’inspiration internationaliste dont le juge communautaire s’inspire est évidente. Le droit conventionnel international a contribuer depuis fort longtemps à élargir le sens du principe. Ainsi, si les dispositions de l’article 2 indique que chaque Etat décide sur la nationalité des conditions d’attribution, l’article 5 précise que « dans un Etat tiers, l’individu possédant plusieurs nationalités devra être traité comme s’il n’en avait qu’une ». L’esprit de l’ensemble du traité vient protéger l’individu changeant de territoire contre des arbitraires éventuels[30], en particulier par l’article 7  pose des conditions à l’expatriation. Celle-ci devient caduque si le titulaire n’acquiert pas une nationalité nouvelle.  Le Protocole des Nations unies signé à Palerme en 2000 est exemplaire dans le renforcement du contrôle et de la protection des droits des personnes migrantes. Son article 2 définissant l’objet du protocole est clair : « Le présent Protocole a pour objet de prévenir et combattre le trafic illicite de migrants, ainsi que de promouvoir la coopération entre les États Parties à cette fin, tout en protégeant les droits des migrants objet d’un tel trafic »[31].

 19. La régionalisation voulue de ce champ du droit international ne va pas sans poser des problèmes. Il constitue un point d’actualité digne d’intérêt[32]. Semble être révolu le temps où le Conseil européen (Tampere, 16 octobre 1999) affirmait que l'Union européenne « doit assurer un traitement équitable aux ressortissants des pays tiers qui résident légalement sur le territoire des États membres. Une politique plus énergique en matière d'intégration devrait avoir pour ambition de leur offrir des droits et obligations comparables à ceux des citoyens de l'Union européenne »[33]. Les États de l’Union viennent d’adopter un Pacte[34] dont l’objet vise l’éradication de la migration illégale et irrégulière[35]. Non pas que les droits des migrants aient été oubliés, mais ces derniers ne constituent plus un objectif prioritaire de politiques publiques. Il revient à chaque État de s’en préoccuper à travers des mécanismes spécifiques[36].

 

II.      Les Forums mondiaux reflètent la bipolarité du droit international des migrations

20. Les négociations en cours aux Nations Unies et les tractations des États n’ont qu’entretenu les zones d’ombre et des oppositions sur un sujet de grand intérêt social,  à savoir les individus migrent tous à la recherchent d’horizons meilleurs. Ce que le Forum de Manille a montré, de façon surabondante, c’est qu’aucun accord n’existe entre les États d’origine et d’accueil des migrants. Les forums tentent de conjurer les « difficultés fondamentales d’aborder les questions relatives aux migrations dans une perspective des droits de l’homme »[37]. Il conviendrait d’aborder à présent et, tenter d’illustrer la bipolarité fondamentale traduite par le droit des migrations internationales entre pays d’accueil et ceux d’émission.

 

  a) Les Forums mondiaux traduisent des orientations imprécises et bipolaires

21. Les Forums, tels que les avaient souhaités les Nations-Unies, ne rendent comptent que des positions du moment sans en disposer plus avant[38]. D’où leur format en deux parties : une session consacrée aux associations, entreprises et syndicats. Il est envisagé d’y associer les collectivités locales. Et, une autre session réservée aux délégations gouvernementales. En revanche, pour les États, il s’agit en effet de mettre en place un processus consultatif informel destiné à promouvoir une démarche coopérative en matière de migration et de développement.

22. Les Forums devraient devenir un lieu central de connaissances en matière de bonnes pratiques. Les Etats devraient y tirer des leçons. Ce serait un exemple de ce à quoi  les Nations Unies doivent servir et de ce qu’on attend de son rôle, estime la délégation du Bangladesh.  Des groupes de travail issus du Forum pourraient en approfondir certains aspects. Des projets pourraient naître sur les questions prioritaires majeures, comme celle des actions à mener par les diasporas. Des processus consultatifs régionaux élargis à des dialogues interrégionaux sont à attendre du Mercosur, du Dialogue d’Abou Dhabi…Les 22 membres de la Ligue des Etats arabes ont décidé d’organiser une réunion préparatoire du FGMD et d’en faire une tous les ans. Pour Peter Sutherland, les sceptiques du début  peuvent constater que l’avenir du  FGMD est sécurisé, il « rempli un fossé » dans le discours. Il importe maintenant qu’il génère des projets concrets dont les Etats seront responsables.

24. Pour le droit international, la situation n’est pas en réalité nouvelle. Le traitement dans les années 60 de la question hautement controversée du développement économique qui a donné naissance à la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) procèdait de la même logique[39]. De même, un rapprochement saisissant pourrait être fait avec le traitement juridique de la question des nouvelles technologies de l’information et de l’Internet : face à l’incapacité de l’Union internationale des télécommunications (U.I.T.)[40], les Nations-unies[41] prirent l’initiative d’organiser des Sommets mondiaux, dépourvus de pouvoir décisionnels, pour la société de l’information[42].

25. Dans un cas comme dans l’autre, la question du développement est présente. La dénonciation des pratiques de certains Etats à l’égard des autres tient itérativement lieu de motif de discussion. Si, à Genève et à Tunis, dans le cadre des sommets sur la société de l’information, la fracture numérique fut le cheval de Troie, la migration internationale à Bruxelles et à Manille essaie de faire une place aux droits des migrants enfermés dans la dichotomie : contrôle des flux migratoires et développement économique[43]

27. En Europe, la non adoption par la France et les Pays-Bas du traité établissant une Constitution pour l’Europe a rendu plus complexe la politique de visa, d'asile et d'immigration prévue au premier pilier. Le traité de Lisbonne reprend cette avancée à l'identique. Le Traité de Lisbonne (13 décembre 2007) ayant été également rejeté, les États européens en reviennent à une compétence nationale sur un domaine plutôt attractif de dispositifs communautaires. La Commission avait ouvert en 2005 une analyse sur la nécessité de définir des règles communes en matière d’admission des immigrants économiques. Un livre vert sur une approche communautaire de la gestion des migrations économiques a été adopté en 2005. La consultation a conduit à l’adoption, en décembre 2005, d’un «programme d'action relatif à l'immigration légale»[44] qui énumère les mesures et les initiatives législatives que la Commission entend prendre afin d’assurer un développement cohérent de la politique de l’UE en matière d’immigration légale. L’Europe reste dans une recherche de cohérence et de précision sur ses objectifs en matière migratoire.

28. Quelle est en définitive l’importance des Forums au plan des règles et de la conventionalité internationale ? Les principaux Etats souverains ayant, d’un geste unanime, dégagé leur souveraineté,  afin de ne point être liés.

 

b) Les Forums mondiaux tendent à maintenir des controverses conventionnelles

29. Le recours aux traités et à la négociation conventionnelle internationale pour réguler les migrations internationales est une tentation fort ancienne[45]. La rencontre de Manille et sa devancière ont cependant une spécificité, celle d’éviter tout engagement conventionnel et, maintenir l’opposition déjà existante sur la plus importante des conventions internationales[46] conclues dans le cadre des Nations-Unies[47]. En effet l’histoire de la Convention sur les droits des migrants et les membres de leur famille illustre, à elle seule, la bipolarité du droit international des migrations. Le texte de cette convention avait été adopté dans l’anonymat en 1976 par la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités.

30. Le Conseil Economique et Social des Nations Unies (ECOSOC) avait perçu dans sa résolution 1706 (LIII) du 28 juillet 1972 à propos de l'exploitation des travailleurs migrants dans des conditions proches de celles de l'esclavage. LAssemblée générale par sa résolution 34/172 du 17 décembre 1979 créé un Groupe de travail ouvert aux Etats pour l'élaboration d'un instrument juridiquement contraignant sur la problématique de la protection des travailleurs migrants[48]. Les travaux préparatoires dureront dix ans, de 1980 à 1990. Enfin, en 2003, le Guatemala dépose le vingtième instrument de ratification : l'entrée en vigueur du traité était acquise, conformément à l'article 87[49]. Les réticences des Etats sont telles qu’un Comité directeur de la campagne mondiale pour la ratification de la Convention a été mis en place. Sa première réunion remonte à 1998. C’est une alliance inédite qui regroupe le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies, des institutions intergouvernementales et des organisations internationales jouant un rôle prépondérant dans les domaines des droits de l’homme.  Les appels à la ratification, soutenus également par l’Unesco, réitérés à Bruxelles et Manille par les Etats d’origine des migrants, deviennent assourdissants[50]

31. La Convention de 1990 n’est pas sans lien avec l’esprit et l’objet des forums. Elle est même directement relayée par de nombreux rapports des ONG sur les migrations. Et, formule largement les souhaits de la société civile. Elle pose des règles minimales et ordonnerait aux Etats l’ayant ratifié de protéger les migrants qui contribuent  de facto à la leur richesse nationale. Différents aspects peuvent être considérés :

32. Premièrement, dans certains pays, les travailleurs migrants ne sont considérés seulement que comme de la simple main d'oeuvre ou comme des entités économiques. Leurs droits ne sont pas pris en considération par la législation nationale des pays d'accueil ou par l'État dont ils sont originaires. Il incombe donc à la communauté internationale, dans le cadre des Nations Unies, de prévoir des mesures de protection[51]. Deuxièmement, cette convention élaborait pour la première fois au niveau international la notion de travailleur migrant, ses catégories et les membres de leur famille. Ces règles ont pour finalité le respect des droits fondamentaux de l'homme. Ces droits s'appliquent à tous les travailleurs migrants, indifféremment en situation régulière ou non[52]. En l’espèce, les travailleurs migrants bénéficient du principe du traitement national dans un certain nombre de domaines juridique, politique, économique, social et culturel[53]. La convention internationale vise l'élimination de l'exploitation de tous les travailleurs migrants et les membres de leurs familles en instaurant des normes minimales. Les pays doivent harmoniser leur législation avec les normes internationales reconnues.

33. On peut dire aujourd’hui que les forums mondiaux ne parviennent pas à susciter des standards précis pour corriger les situations préoccupantes qui leur ont donné naissance. A priori, les bases ne sont pas celles qui feraient avancer la conventionalité internationale du domaine migratoire. Les divergences y sont grandes. Et, les Etats scindées en deux groupes, peinent à trouver des compromis. Des compromis qui feraient que les Etats d’accueil ratifient le traité sur les droits des migrants. Sur un plan théorique, on peut se rassurer en pensant comme le Professeur Jean Combacau qui rappelait que le but essentiel des traités n’est pas de prescrire le « bien », mais plutôt de produire des effets de droits. Allant plus loin, il disait que cet objectif moral est même étranger au droit international[54]. La Convention sur les droits des migrants de 1990 n’a pas produit les normes attendues et espérées. Ainsi, tout en s’écartant de la production de normes entre Etats, les forums actuels ont sans doute des effets droits que le travail normatif lui-même n’a pas encore pu produire.

34. D’autres aspects se trouvent enfermés dans la bipolarisation des rapports internationaux dans ce domaine. En effet, ne s’engagent pas des vrais dialogues sur les questions traditionnelles et toujours actuelles des migrations internationales. Ces questions sont bien connues et peuvent se résumer de la manière suivante : l'individu n'a-t-il pas le droit de chercher du travail à l'étranger si sa patrie ne peut lui en procurer ? Peut-il être dans ce cas contraint de renoncer à son statut national antérieur ? Mais, d'un autre côté, un peuple a-t-il le droit d'augmenter sa population au delà de ses moyens économiques ?  Un gouvernement a-t-il ou n'a-t-il pas le droit d'exiger l'assimilation de tous ceux qui vivent sur son territoire ? Quels sont les droits souverains de l’Etat d’origine des migrants ? Existe-il un niveau de développement qui permettrait de contraindre les Etats industriels à accepter des migrants ?[55] Et, les droits souverains du pays d’accueil ? Autant de questions essentielles qui sont sacrifiées, au mieux aborde t-on les droits des travailleurs migrants. Il paraît hasardeux d’accoler la question du développement à celle des migrations internationales sans régler ces préalables.

 

c) La déclaration critique des Etats A.C.P. au Forum de Manille

35. Les États  du Groupe Afrique Caraïbe et Pacifique[56] ont exprimé leur position à ce Forum. Le Secrétaire général du Groupe ACP a en particulier déclaré qu’il faut « veiller à ce que les migrants des pays ACP soient protégés ». Il affirmait aussi que « la circulation des personnes, quelle soit légale ou non, est plus que jamais une réalité indéniable et constitue par conséquent un sujet de débat à l’échelle mondiale »[57]. Les bases du raisonnement changent. Les pays A.C.P. mettent en exergue les conventions et protocoles internationaux pertinents, en particulier les conventions adoptées dans le cadre de l’Organisation international du travail. En réponse, les pays d’accueil invoquent au mieux les textes régionaux, sinon leurs dispositions nationales.

36. Dans le Plan d’action[58] que ces Etats définissent, on peut noter qu’ils demandent à « l’Union européenne, aux organisations intergouvernementales et aux autres institutions internationales compétentes de fournir aux Etats ACP une assistance relative aux réfugiés, aux demandeurs d’asile et aux personnes déplacées à la suite de catastrophes naturelles ou d’autres sinistres, en adoptant à cet effet une approche équitable et en tenant dûment compte des besoins des différents Etats ACP, dans le respect des principes de solidarité internationale, de partage des charges et de coopération internationale ». Ce plan d’action diffère de celui adopté en 2005 par l’Union européen et qui fait l’objet d’un Livre vert. Ce dernier étant axé sur le contrôle des migrations, des flux et des frontières.

37. Il reste que le Forum de Manille a éclairé les positions du Groupe des ACP sur les approches permettant d’exploiter les atouts de la migration. Dans le sens de la 2ème réunion des ministres ACP sur la migration et la mobilité, organisée en mai 2007 à Bruxelles, les Etats ACP ont réaffirmé l'importance des migrations et de la mobilité des personnes migrantes. « Plus que jamais, nous avons de toute urgence besoin d’une volonté politique, d’actions efficaces et d’un changement dynamique, car le moment est venu de définir une approche multidimensionnelle, multipartite et holistique face à ces défis planétaires » a déclaré au Forum Sir John Kaputin, Secrétaire général du Groupe ACP[59]. Ainsi a été prévu de créer un Observatoire ACP de la migration chargé d'analyser et de diffuser des données sur la migration issue des ACP. Des rencontres ACP seront organisés sur l’ensemble de la problématique de la migration.

38. La Déclaration des Etats A.C.P. montre que ces Etats ont une vue critique de ces forums. Non pas qu’ils les rejettent, mais auraient tendance du moins, à redéfinir les priorités, sinon à revoir les bases de raisonnement. La Charte universelle des droits de l’homme (10 décembre 1948) serait la source normative fondamentale et la protection des droits des migrants serait un objectif prioritaire.

39. Nul autre phénomène que celui des migrations n’a autant d’impact sur vie internationale. Les forums des Nations-Unies correspondent de ce fait à des actes internationaux nécessaires.  Dans les pays en développement, en modèle social et « l’ordre des riches est donné en exemple » (A. Pellet)[60]. C’est, vers celui-ci, qu’il faut migrer. Nolens Volens, ces Forums suscitent des espoirs pour certains, et pour d’autres, ils constituent des occasions de différer des attentes qui sont encore jugés excessifs. Pour les Nations Unies et les principaux pays d’accueil des migrants, les forums restent un processus consultatif informel destiné à promouvoir une démarche coopérative en matière de migration et de développement. Ils restent menés par les gouvernements, de manière ouverte et transparente, sans produire de résultats négociés ou de décisions normatives. Aussi, la société civile pourra t-elle s’y associer sans risquer de rompre les harmonies du droit conventionnel international.

40. L’histoire montre qu’un pays ne peut rester indéfiniment terre d’accueil ou d’émission de migrants. Les situations sont économiquement et politiquement évolutives. Les notions de pays de transit ou d’immigration circulaire utilisées actuellement aux Nations-Unies trouvent là aussi leur sens.  La situation du Mexique est en cela évocatrice. Le Mexique – 27 millions de mexicains aux Etats-Unis -  a fini par s’engager dans l’entreprise de ratification de la Convention de Nations des Nations sur les droits des migrants (1990)[61]. Le gouvernement mexicain s'est joint à un groupe de pays d'Afrique qui y travaillent. La ratification mexicaine n’est intervenue qu’en 1999. L’évolution de ce pays sur ce sujet est instructive de ce que les engagements internationaux des Etats se différencient à la lumière de leurs intérêts.

41. En accordant autant d’intérêt au Dialogue de haut niveau et aux Forums, comme moyen de réguler le phénomène migratoire international, les Nations-Unies ont établi implicitement les lacunes du droit international des migrations actuel. Ce droit qui inclut notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990) et les diverses conventions adoptées sous l’égide de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), est encore aujourd’hui jugé excessivement contraignant par une majorité des pays membres de l’ONU pour susciter leur adhésion[62].

 


 

[1] Blaise Tchikaya est maître de conférences en droit public à la Faculté de droit et d’économie de Fort-De-France est Membre de la Commission africaine pour le droit international. Il est membre du Ceral, Centre de recherche sur l’action local et du Cerap, Centre d'études et de recherches administratives et politiques de l’Université Paris XIII-Villetaneuse. Il a été Directeur des études juridiques du Haut conseil à l’intégration (Paris) et a participé aux deux premiers forums mondiaux à Bruxelles (juillet 2007) et à Manille (octobre 2008).

[2] Quelques ouvrages  francophones existent sur le sujet,  notamment, celui réalisé dans le cadre d’un programme international de recherche soutenu par le Réseau universitaire international de Genève (RUIG) : Marie-Claire Caloz-Tschopp (Marie-C.), Moreno-Fontes Chammartin (G.),  Lesselier (C.), Edmée Ollagnier (Ed.),  Mondialisation, migration et droits de l'homme : le droit international en question, Tome 1 et 2, Ed. Bruylant, Bruxelles, 782 et 724 p. ; v. aussi Perruchoud (Richard) et Tömölová (Katarina), Droit international de la migration, N°14 - recueil d’instruments, Ed. OMI, Genève, 2008, 909 p. Cet ouvrage constitue un bréviaire pour le droit international des migrants. A travers une présentation de documents, Les droits et les obligations des Etats, de même que les droits et les devoirs des migrants peuvent enfin être cernés ; OIM, International Migration Law: Glossary on Migration, 2004, Genève, 78 p. ; Cholewinski (R.),  Perruchoud (R.) et E. MacDonald (E.), International Migration Law – Developing Paradigms and Key Challenges, Ed. T.M.C. Asser Press, La Haye, 2007.   

[3] OCDE, Perspectives et migrations internationales, SOPEMI, Paris, 2008, p. 28 et s. La situation de l’Afrique est encore particulièrement préoccupante : d'ici 2015, un africain sur dix, vivra et travaillera dans un pays autre que son pays d'origine.

[4]  Hansen (R), Migration to Europe since 1945: Its History and its Lessons, dans, Spencer, S., The Politics of Immigration, Blackwell, 2003, 25-38.

[5] Renforcer l’ONU : un programme pour aller plus loin dans le changement, Rapport du Secrétaire général, A/57/387, par. 39.

[6]  Il a été Directeur général de l'Organisation mondiale du commerce en janvier 1995, après avoir exercé les fonctions de Directeur général du GATT à partir de juillet 1993.

[7] Allocution d’ouverture du Secrétaire général, SG/SM/11084, DEV/2629, 4 juillet 2007.

[8] Papademetriou (D.), Managing Rapid and Deep Change in the Newest Age of Migration, dans, Spencer, S., The Politics of Immigration, Blackwell, 2003, 39-58.

[9] L’immigration était déjà l’un des premiers grands dossiers de la Société des nations. Restait à faire officialiser cette promesse, puis à la mettre en œuvre. En février 1919, les représentants sionistes à la Conférence de Paris demandaient en effet l'octroi d'un mandat sur la Palestine au Royaume-Uni qui était un allié privilégié. Le mandat officiel en Palestine des Etats alliés  demande au Royaume-Uni de « placer le pays dans des conditions politiques, administratives et économiques qui permettront l'établissement d'un foyer national juif et le développement d'institutions d'autogouvernement ». Elle doit également « faciliter l'immigration juive et encourager l'installation compacte des Juifs sur les terres ». v. Varlez (Louis), Les migrations internationales et leur réglementation,  R.C.A.D.I., vol. V, 1929, 184 p : cette étude est l’une des plus anciennes qui soit complête. V. aussi sur la France : Palewski (J.P.) , Immigration en France, depuis la guerre, de la main d’œuvre étrangère au point de vue du droit international, R.G.D.I.P., 1927, p. 51 et, Morellet (J.), La conférence internationale sur les migrations (25 avril, 9 mai 1950), R.G.D.I.P., 1951, p.237.

[10]  L’alinéa 2 du Traité Convention relative à l'esclavage Signée à Genève, le 25 septembre 1926 notait que « La traite des esclaves comprend tout acte de capture, d'acquisition ou de cession d'un individu en vue de la réduire en esclavage; tout acte d'acquisition d'un esclave en vue de le vendre ou de l'échanger; tout acte de cession par vente ou échange d'un esclave acquis en vue d'être vendu ou échangé, ainsi que, en général, tout acte de commerce ou de transport d'esclaves ». A travers, le phénomène particulier de l’esclavage, le déplacement des personnes était déjà au centre des réflexions.

[11]  Ceci peu toutefois être démenti en cas de volonté ferme des parties d’en arriver à un accord contraignant. La rencontre internationale, sous forme de forum, qui s'est achevée le 12 novembre 2008 à Kuala Lumpur (Malaisie) a permis d'avancer dans le processus de création d'un groupe intergouvernemental d'experts sur la biodiversité, qui devrait porter le nom d'Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES).

[12] Résolution de l’Assemblée générale, 55/93 portant proclamation du 18 décembre, Journée internationale des migrants, 28 février 2001.

[13]Inan Black, Annan attacks fortress Europe over migrants, Guarduan.co.uk., 30 janvier 2004.

[14]  L’Assemblée générale y consacre divers textes. On peut citer les résolutions 49/127 du 19 décembre 1994, 50/123 du 20 décembre 1995, 52/189 du 18 décembre 1997, 54/212 du 22 décembre 1999, 56/203 du 21 décembre 2001, 58/208 du 23 décembre 2003, 59/241 du 22 décembre 2004 et 60/227 du 23 décembre 2005, sur les migrations internationales et le développement, et 60/206 du 22 décembre 2005 sur la facilitation des transferts de fonds des migrants et la réduction de leur coût.

[15] Le Rapport de Le CMMI est en fait publié en mars 2006 : CMMI, Les migrations dans un monde interconnecté : les nouvelles perspectives d’actions, 107 p. Une forte déclaration la singularise : l’immigration profite au pays d'accueil lorsque l'intégration réussit. Mais les pays d'origine des migrantes et des migrants profitent aussi des transferts d'expériences et de revenus qui passent par les expatriés.  

[16] L’Ancien Représentant spécial des nations unies en République démocratique du Congo, Mr. William Lacy  SWING, en est le Directeur général.

[17]Les pays concernés sont le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, l’Egypte, le Cap Vert, le Nigeria, le Ghana, le Mali, le Sénégal, le Ethiopie, l’Equateur, la Jamaïque, la Géorgie, la Moldavie, le Sri Lanka et les Philippines.  V. Initiative conjointe de la CE-NU sur la migration et le développement, UN/UNDP Office.

[18] Scelle (G.), Manuel de droit international public, Domat-Montchrétien, Paris, 1972, p.6.

[19] Perruchoud (Richard) et Tömölová (Katarina), Droit international de la migration, N°14, Ed. OMI, Genève, 2008, p. V.

[20] Déclaration sur les droits de l'homme des personnes qui possèdent pas la nationalité du pays dans lequel elles vivent, AGONU, Résolution 47/144, 13 décembre 1985. Cette résolution introduit un droit à double niveau, celui des Etats et le droit international admis pas ces derniers. Ceci figure au point 2, alinéa : « Rien dans la présente Déclaration ne doit s'entendre comme légitimant l'entrée et la présence illégales d'un étranger dans un Etat ou comme restreignant le droit de tout Etat d'édicter des lois et règlements concernant l'entrée des étrangers ainsi que les termes et les conditions de leur séjour ou d'établir des distinctions entre ses ressortissants et les étrangers. Ces lois et règlements ne doivent toutefois pas être incompatibles avec les obligations juridiques internationales de l'Etat concerné, y compris celles relatives aux droits de l'homme ».

[21]  OIM, L'Organisation Internationale pour les Migrations : 1951 – 2001, 2008, Genève, 210 p. Cet ouvrage présente les actions de l’Organisation depuis sa création. Par exemple : l’OIM fit accepter aux les pays d’Amérique latine de recevoir des migrants, réfugiés et déplacés d’Europe afin de soulager un problème européen. v. aussi, Morellet (J.), La conférence internationale sur les migrations (25 avril, 9 mai 1950), R.G.D.I.P., 1951, p. 237.

[22] Déclaration de M. Lacy William Swing, Directeur général de l’OMI, Conférence ministérielle euro-africaine sur les migrations et le développement, 25 novembre 2008, p. 3.

[23] Article 2, alinéa 2, Déclaration universelle des droits de l’homme, AGONU, 10 décembre 1948. Bien d’autres dispositions de la Déclaration universelle vont dans le même sens, notamment  l’article 13, alinéa 2 : Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ; voir aussi l’article 14 : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autre pays ». La déclaration ne formule que des principes idéaux qui, tout en étant pas totalement dépourvus d’autorité, reste à la discrétion des Etats souverains.  Comme le formule le préambule : «La présente Déclaration universelle des droits de l’homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ».

[24]La Convention concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité, la Haye, 12 avril 1930.

[25] v. Duez (D.), Politique d’asile et d’immigration dans l’UE, Entre sécurisation et désécurisation des flux migratoires, in Magnette, P., (éd)., La grande Europe, éditions de l’ULB, Bruxelles,  2004, 263-279 ; Monar (J.), The Impact of Schengen JHA in the EU: An Assessment on the Threshold to its incorporation, dans Den Boer (M.), ed., Schengen Still Going Strong, IEAP, Maastricht 2000, p. 2135.; Apap, J., Recent Developments as regards European Migration Policy in view of an Enlarged Europe, dans Apap (J.), ed., Justice and Home Affairs in the EU, Edward Elgar, 2004, p. 175-189.

[26] C.J.C.E.,  Arrêt, (deuxième chambre), 18 janvier 2007, demande de décision préjudicielle du Bundessozialgericht c. Allemagne,  nº C-332/05,  18 Janvier 2007 : Il y a eu violation du   principe d'égalité de traitement à la défaveur du travailleur migrant.

[27] CJCE, 11 février 2003, Gözütok & Brügge, aff. jtes C187/ 01 & C385/ 01, Rec. p. 1345. ; CJCE, 21 octobre 2003, Abatay e.a. aff. Jtes, C317/ 01 et C369/01, nep. ; CJCE, 16 juin 2005, Pupino, aff. C105/03, nep. ; Conclusions de l’AG Kokott dans l’affaire C503/ 03 Commission c. Espagne, 10 mars 2005.

[28] Dans l’arrêt Metock du 25 juillet 2008, la Cour de justice européenne (C.J.C.E., Metock c.  Minister for Justice, Equality and Law Reform, 25 juillet 2008) a statué contre l’Irlande dans une affaire où les autorités irlandaises avaient refusé de délivrer des permis de séjour à quatre ressortissants africains mariés à des citoyens irlandais. Pour le CJCE, les droits de libre circulation et de résidence dont jouissent les citoyens de l’UE reviennent aussi à leur conjoint et leur famille, quelle que soit leur nationalité.

[29] CJCE, Carpenter, aff. C60/00, Rec. 11 juillet 2002, p. I6279 ; CJCE, Zhu et Chen c. Secretary of State for the Home Department, aff. C200/2, nep, , 19 octobre 2004.

[30]Convention de la Haye du 12 avril 1930 relatif au conflit de lois sur la nationalité, 12 avril 1930.

[31]Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, New York, 15 novembre 2000.

[32] « Les Etats membres ont réussi à harmoniser leurs règles en matière de détention et d’expulsion des migrants en situation irrégulière, mais non sans permettre de violer les droits de l’Homme », Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH à la suite de l’adoption de la directive « retour ». Cette Directive estime la Fédération prône une détention potentiellement arbitraire des illégaux, par son automaticité, de sa duré excessive (jusqu’à 18 mois) et les raisons administratives invocables (Article 14). La détention de mineurs non-accompagnés (article 15a)…etc. v. Résolution législative du Parlement européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, 18 juin 2008.

[33] Point 18 des conclusions du Conseil européen.

[34]  En Europe, cinq pays - la France, l’Espagne, l’Italie, la Grande-Bretagne et l’Allemagne - concentrent 80 % des flux migratoires, les 20 % restants étant répartis entre le Portugal, la Pologne et l’Autriche, puis des États moins concernés. Les États adoptent peu à peu des mesures convergentes mais il n’existe pas de véritable cohérence. A l’initiative de la France,  ce pacte a été adopté en octobre 2008 (Pacte européen sur l’immigration et l’asile approuvé par le Conseil justice et affaires intérieures le 25 septembre).

[35]  Déclaration européenne au Forum mondial, Manille, France, 30 octobre 2008, point 3.

[36] Un des aspects relatifs au traitement juridique des migrations, la lutte contre les discriminations, est dorénavant à la charge de la HALDE  (Haute autorité pour l'égalité des chances et pour l’égalité). Une loi, celle du 30 décembre 2004 créé cet organisme public, dont les pouvoirs renforcés par la loi du 31 mars 2006 institue un tel mécanisme.  v. La loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a été adoptée définitivement par le Parlement le 15 mai 2008.

[37] Battistella (Gr.), La naissance d’une convention - Les difficiles relations entre migrations et droits de l‘homme, Revue hommes et migrations, n° 1271, 2008, p. 20.

[38] Au titre de la présidence du Conseil de l’Union européenne, la France y a présenté le Pacte européen sur l’immigration et l’asile qui a été adopté au Conseil européen du 15-16 octobre.

[39]  Dans ce qui est en germe, on peut voir une instance internationale sur les migrations, du moins informelle. La première Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) qui s'est tenue à Genève en 1964 offrait les mêmes analyses. Étant donné l'ampleur des problèmes en jeu et la nécessité de trouver des solutions. Les pays en développement ont créé le Groupe des 77 pour faire entendre leurs préoccupations (le Groupe des 77 compte aujourd'hui 131 membres). Raul Prebisch, qui avait dirigé la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes était devenu le premier Secrétaire général de l'organisation qui en définitive prendre forme. La CNUCED est devenu par la suite une simple instance intergouvernementale de dialogue et de négociations Nord-Sud sur les questions intéressant les pays en développement. Il se consacre à la recherche et à la fourniture de conseils concernant les questions de développement. D’ailleurs, à Manille, le groupe A.C.P. prendra position.

[40] Les sommets de Bruxelles et celui Manille sur les migrations rappelle la une Résolution 73 de Minneapolis en 1998 que les Etats membres de l’U.I.T convoquent le Sommet mondial sur l’information. Il est demandé  « au Secrétaire général d'assurer la coordination avec les autres organisations internationales ainsi qu'avec les différents partenaires concernés (Etats Membres, Membres des Secteurs, etc.), en vue de la tenue d'un sommet mondial sur la société de l'information ». v. aussi la Résolution GT-PLEN/7 (Antalya, 2006), Etude sur la participation de toutes les parties prenantes concernées aux activités de l'Union se rapportant au Sommet mondial sur la société de l'information, Antalya, 2006.

[41]v. Résolution de l’AGONU, 56/183, Sommet mondial de la société de l’information, 31 janvier 2002 ; Résolution de l’AGONU, 56/258,  Réunion de l’Assemblée générale consacrée aux technologies de l’information et des communications au service du développement.

[42] Le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) s'est déroulé en deux phases. La première phase, accueillie par le Gouvernement suisse, a eu lieu à Genève du 10 au 12 décembre 2003 et la deuxième phase, accueillie par le Gouvernement tunisien, a eu lieu à Tunis du 16 au 18 novembre 2005. Dès la première session a été dénoncé, ce que l’on a appelé « la fracture numérique ». C’est par exemple à Tunis qu’est adopté un Plan d’action pour l’Internet dont l’objet vise la délicate question de la gestion internationale de l'Internet. Elle devrait s'opérer de « façon multilatérale, transparente et démocratique, avec la pleine participation des Etats, du secteur privé, de la société civile et des organisations internationales. Elle devrait assurer une répartition équitable des ressources, faciliter l'accès de tous et garantir le fonctionnement stable et sécurisé de l'Internet, dans le respect du multilinguisme ».

[43]Tchikaya (B.), La première conférence mondiale de développement des télécommunications – La transcription juridique du développement au sein de l’U.I.T., R.G.D.I.P., 1995, p. 77.  

[44]COM(2005), 669, final, Policy Plan on Legal Migration, SEC, 2005, 1680.

[45] Des premières manifestations très anciennes des conventions internationales ont été rapportées. Déjà le plus ancien traité international connu, dont le texte nous est conservé sur les murs de Karnak à Thèbes, conclu entre le Pharaon Ramsès II et le roi des Hittites, nous montre qu'il y a plus de 3 000 ans on réglementait déjà par accords internationaux les mouvements migratoires. On décidait sur les conditions dans lesquelles les travailleurs immigrés devaient être traités pendant la paix et pendant la guerre et qu'on fixait les garanties à accorder mutuellement aux femmes et aux enfants des ouvriers étrangers pendant l'absence de ceux-ci. v. Varlez (Louis), Les migrations internationales et leur réglementation,  R.C.A.D.I., vol. V, 1929,  p. 318 

[46]La communauté internationale est bien pourvue de certaines conventions. La question migratoire est inscrite dans la Constitution de l’Organisation internationale du travail depuis 1919. Le premier traité international porte sur le traitement des travailleurs étrangers depuis 1939 (Convention sur les travailleurs migrants, n° 66). En 1949, un an après l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme et deux ans avant celle de la Convention relative au statut des réfugiés (1951), le premier instrument largement mis en œuvre sur les travailleurs migrants - la Convention sur les travailleurs migrants (n° 9 7) - était adopté par l'OIT, puis ratifié par un grand nombre de pays de départ et de pays d'arrivée dans les années cinquante et soixante. La Convention n° 97 pose le principe de l'égalité de traitement entre les ressortissants d'un pays et les migrants en situation régulière pour ce qui est des procédures de recrutement, des conditions de vie et de travail, de l'accès à la justice, de la réglementation fiscale et de la sécurité sociale. La Convention n° 143 de l'OIT sur les travailleurs migrants de 1975 a fait progresser le droit des migrations internationales, en établissant des normes pour réduire l'exploitation et la traite des migrants, en offrant une protection à ceux qui sont en situation irrégulière, et en facilitant l'intégration dans les pays d'accueil. Le contenu des conventions n° 97 et 143 de l'OIT a servi de base à l'élaboration de la Convention de 1990, qui a élargi et étendu la reconnaissance des droits économiques, sociaux, culturels et civils des travailleurs migrants. La Conférence internationale des Nations Unies sur la population et le Développement (CIPD) s’est tenue du 5 au 13 septembre 1994, au Caire, a adopté un texte de référence qui sert d’Accord international : le Programme d’action.  v. Cholewinski (R.),  Perruchoud (R.) et E. MacDonald (E.), International Migration Law – Developing Paradigms and Key Challenges, Ed. T.M.C. Asser Press, La Haye, 2007, 534 p.     

[47] La convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille du 18 décembre 1990, Nations-Unies. v.

[48] Cette résolution fut adoptée à la 106ème séance plénière, le 17 décembre 1979. Il était visiblement question de mettre en place un cadre juridique solide et contraignant pour les migrations.

[49]Aucun État de l'Union européenne n'a ratifié, à ce jour, la convention de l’ONU sur le droit des migrants du 18 décembre 1990. V. aussi Piché  (Vict.), Pelletier (E.) et Dina Epale, Identification des obstacles à la ratification de la Convention del’O.N.U. sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille : le cas du Canada,  Rapports par pays sur la ratification de la Convention des Nations Unies sur les droits des migrants, UNESCO, 2006, 31 p.; v. aussi  UNESCO, Dossier d’information - Convention sur les droits des migrants, 2003 ,10 p.

[50] La Convention des Nations unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, entrée en vigueur le 1 juillet 2003, est ratifié par 37 pays.

[51]  L'honneur et la dignité d'un travailleur migrant doivent être respectés tout comme sa vie privée qui s'étend à son domicile, sa famille et toutes ses communications (Art. 14).

[52] La convention propose d’utiliser des sanctions à ceux qui sont responsables de l'organisation et la gestion de tels mouvements aussi bien qu'aux employeurs de travailleurs migrants en situation irrégulière (Art.68). Cependant, les droits fondamentaux des migrants clandestins restent protégés par la Convention (Art. 8 – 35). C’est au final l’orientation prise par la conférence de Paris du 25 novembre 2008 intervenue après Manille en adoptant un Programme de coopération triennale (2009 – 2011).  Ce programme propose notamment de lutter contre la fraude documentaire, en utilisant l'informatique et la biométrie. Il préconise de renforcer le contrôle aux frontières, en favorisant la création de postes frontières communs. Il engage aussi les pays d'origine à améliorer la réadmission des étrangers expulsés d'Europe, et les pays de départ à promouvoir les retours volontaires. Pour organiser la migration légale, le programme invite à la création dans les pays d'origine d'agences spécialisées en matière d'emploi, à l'instar du Centre d'information et de gestion des migrations (Cigem) ouvert à Bamako et financé par l'Union européenne (octobre 2008).

[53]  L'égalité doit aussi être garantie dans l'accès et la participation à la vie culturelle (Art. 43). Les membres de leur famille jouiront aussi de l'égalité avec les ressortissants concernant l'accès à ces services (Art. 45).

[54]  Combacau (J.), Le droit des traités, Que sais-je ? 2613, Ed. PUF, 1986, p. 11.

[55] L’Union européenne a décidé de renforcer son assistance financière en faveur de la politique des migrations, notamment par un financement à concurrence de 3 %  du montant de l'instrument européen de voisinage et de partenariat, et par des efforts comparables dans le cadre d'autres instruments financiers pertinents. En accord avec les pays partenaires, elle envisage des efforts semblables pour les pays d'Afrique sub-saharienne, par la mobilisation des divers instruments de l’aide extérieure, thématiques (programme "migration et asile") et géographiques (dont la FED) par le Programme-cadre de solidarité et de gestion des flux migratoires. Ces engagements sont mis en œuvre conformément au cadre financier actuel. V. Actes de la conférence ministérielle, Déclaration final, Paris, 25 novembre 2008, p. 15.

[56] Le Groupe des Pays ACP est constitué par les pays signataires des accords de Lomé et de Cotonou (Juin 2000). Ce groupe qui s’intéresse également aux problèmes des migrations internationales, met en place principalement des préférences tarifaires donnant accès à ces pays au marché européen. Les Accords de partenariat économiques, controversés, en ont été l’une des dernières évolutions.

[57]Déclaration ACP/28/018/08, Réunion des Ministres chargés des questions d’asile, de migration et de mobilité du Groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, tenue à Bruxelles (Belgique), 30 mai 2008, point c.

[58] Plan d’action pour la mise en œuvre de la déclaration de Bruxelles sur les questions d’asile, de migration et de mobilité, ACP/28/026/06, Final Bruxelles, 13 avril 2006, point 6.

 

[59] Communiqué de presse ACP, Manille, 29 octobre 2008.

[60]Pellet (A.), Le droit international du développement, Que sais-je ? n° 1731, Ed. PUF, 1978, p. 19.

[61] Diaz (Gabriela) et Kuhner (Gretchen), Le Mexique, un Etat partie, pays d’émigration, de transit et d’immigration, Hommes et Migration, Dossier n° 1271, 2008, p. 83.

[62] Piché (V.),  E. Pelletier,  Epale (E.), Identification des obstacles à la ratification de la Convention de l’ONU sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille : le cas du Canada, Rapport commandité par l’UNESCO, Action Canada pour la population et le développement, Ottawa, 2006, p.

 

 


   

 

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