Journal of the International Law Department of the University of Miskolc |
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Vol. 3. (2006) No. 1. pp. 59-61. |
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Professeur Hanna Bokor-Szegő[1] sur « le droit international de tous les jours »
(Interview fait par Péter Kovács, traduit par Orsolya Garamvölgyi[2])
- Si je sais bien, maintenant vous vous occupez de la théorie du droit international de tous les jours. Pourriez-vous en parler un peu plus? - Avec plaisir. En fait, il ne s’agit pas de la théorie, mais de la « notion » du droit international de tous les jours, c’est cette notion que je voudrais introduire à l’usage des juristes internationaux pour des raisons suivantes. J’ai passé plusieurs dizaines d’années dans l’enseignement, mais une question principale s’est toujours posée à la première conférence quand on a analysé la différence entre le droit interne et le droit international. Au moment où on a abordé la question que dans le droit international il n’existe pas un appareil central de sanction, les étudiants se sont étonnés et ils ont dit que dans ce cas, le droit international n’est pas droit, puisque l’on ne peut pas assurer qu’il se fait valoir. Allant plus loin dans les études, les étudiants se sont divisés en deux groupes. L’un a soutenu qu’il n’y a pas d’appareil de sanction, donc en fait ce n’est pas droit. L’autre group apprenant les détails, le droit de l’espace, de la mer ou de l’homme, s’est penché à admettre que les règles de droit international se prévalent. Et quand – grâce à la technique permettant la diffusion des nouvelles des violations de droit - ils ont appris que le droit international a été violé ici ou là-bas, ils ont désenchanté. Ainsi les étudiants ont été partagés entre deux opinions extrêmes. L’un est parti de l’idée que le droit international n’est pas « droit », parce qu’il n’y pas d’appareil de sanction central, une autorité de répression, l’autre group l’a considéré comme équivalent au droit interne, donc dont les règles se prévalent en général ayant une autorité de répression dans la derrière. Pendant les cours, j’ai essayé de surmonter le différend entre les approches de deux groupes et d’expliquer qu’il faut toujours examiner ce qui se cache derrière une réglementation du droit international: quelle est la concordance des volontés, quelle est la volonté de l’Etat et comment elle s’est formée. En effet, j’ai divisé les règles du droit international en deux grandes parties. Ils existent des règles du droit international dont il y a toujours un compromis derrière, donc chaque Etat cède un peu de sa volonté, mais leur volontés ne s’accordent pas complètement. Naturellement dans la naissance d’un tel compromis les grandes puissances jouent un rôle important, mais ce compromis peut se renverser si le rapport des forces change. Ces règles importantes – par exemple l’interdiction du force ou le principe de non-intervention – ont été lésées à cause du changement du rapport des forces. Au contraire, le droit international possède un grand groupe des règles, derrière lesquelles se trouve une identité complète d’intérêts totale des Etats, au lieu d’un compromis. Ces règles s’appliquent par milliers par jour, sans que l’on les aperçoive. Il est vrai qu’elles sont lésées quelquefois, mais c’est très rare. Je vous énumère tout de suite quelques exemples. Par exemple, le traité international le plus universel est la convention internationale de la poste. Pendant le système colonial les colonies avaient une administration postale autonome, elles étaient membres associés, parce que chaque Etat a le même intérêt à ce que les lettres et les colis de ses citoyens soient envoyés selon les règles uniformes à n’importe quel point du monde. On peut également prendre les règles de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé concernant la prévention des maladies contagieuses et des épidémies, ou la régularisation des certificats de vaccination. Au cas où il y a une épidémie dans un pays, l’on ne pouvait pas y entrer sauf avec un certificat jaune de l’OMS justifiant la vaccination. Dans ces cas il existe évidemment une identité d’intérêts, et car ces règles expriment les intérêts identiques des Etats, on peut compter avec une plus grande certitude sur qu’elles se fassent valoir sans aucune intervention d’une autorité de répression. J’ai surnommé ce groupe des règles le droit international de tous les jours. - Une ou deux années après la révolution en 1956 la Hongrie a essayé les gouttes Sabin provenant des Etats-Unis. Actuellement, concernant la grippe aviaire la communauté internationale était capable de travailler ensemble à grande vitesse. - C’est exactement ce dont je parle: de nouveau il y avait une identité d’intérêts. C’est cette notion que je voudrais expliquer et aborder la question si ce droit international de tous les jours est universel ou régional. Je pense par exemple à la matière de droits de l’homme, qui est une chose dure, et il est difficile de l’inclure dans la catégorie du droit international de tous les jours. Toutefois il y a certaines règles principales qui doivent être absolument y inclues au niveau régional. Je donne une exemple: il y a une convention traitant le cas où après la procédure de divorce une des parties enlève l’enfant ou ne le rend pas après sa visite. L’Etat va fait valoir de cette convention, mais au niveau régional. Mais si cette enfant tombe au tiers monde – pensez au film ‘Jamais sans ma fille’ – elle ne sera pas rendue. Il faut se réfléchir si ce droit international de tous les jours ne devrait pas être divisé en droit international universel et droit régional de tous les jours. Je voudrais y ajouter une dernière phase. Grâce aux conquêtes de la technique les Etats sont informés en quelques minutes des catastrophes internationales, de la transmission des épidémies, des désastres naturelles, donc je pense que le cercle des règles du droit international de tous les jours va s’élargir. Cela peut être le signe de mon optimisme perpétuel. - Quels sont les rapports entre le droit international de tous les jours et le droit international de la réalpolitique des Etats ? Les règles du droit international de tous les jours sont-elles plus nombreuses vis-à-vis la totalité du droit international ? - Oui, je pense. Pensez par exemple aux règles adoptées par l’UNESCO. Un Comité du patrimoine mondial a été établi qui sélectionne les objets du patrimoine mondial, les monuments, et prévoit quelles obligations s’imposent et quelle assistance est due aux Etats afin de les reconstruire. C’est vraiment un intérêt universel. Et il y a encore plusieurs d’autres règles. Par exemple le droit d’auteur ou la protection de la propriété industrielle. Dans ces matières je crois il y a une identité d’intérêts totale. Ou les conventions routières: ce n’est pas une identité d’intérêts que les mêmes règles routières s’appliquent dans les Codes de la Route nationaux des autres pays ? Ou la convention sur la protection de la vie sur mer, qui a introduit le signe S.O.S, c’est-à-dire “Save our souls” ou “Save our ships” (“Sauvez nos âmes” ou “sauvez nos navires”), qui prévoit que lorsque l’on lance un S.O.S. tous les navires à proximité maritime doivent se précipiter au secours des sinistrés. C’est un intérêt universel, donc il est sûr que cette partie du droit de la mer appartient au droit international de tous les jours. - Je pense que la protection de l’environnement également fait partie de ce droit. Alors pourquoi est-il si difficile de construire un système global juridique? - Très bonne question. Etant donné la convention de Kyoto: parce que certaines grandes puissances ont un intérêt économique de ne pas réduire l’émission de gaz. - Est-ce qu’il y a un pénétrabilité entre le droit international de la réalpolitique et celui des tous les jours ? Est-ce qu’il est possible que le droit international des pouvoirs perde son importance et devient droit international de tous les jours ou le cas échéant le droit international de pouvoir transporte-il des règles du droit international de tous les jours? - Compte tenu du phénomène actuel de la globalisation je viens d’essayer de dire que je suis optimiste que c’est bel et bien le droit international de tous les jours qui va élargir. - Merci beaucoup.
[1] Hanna Bokor-Szegő est professeur émérite de l’Université Corvinus (Budapest), auteur de nombreux manuels et monografies sur différents aspects du droit des traités, de la succession d’État, de la formation des normes des organisations internationales et de la protection international des droits de l’homme [2] Orsolya Garamvölgyi est collaboratrice de la Cour de Justice des Communautés européennes et elle est étudiante de PhD de la Faculté de droit de l’Université de Miskolc
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