Journal of the University of Miskolc


Miskolc Journal of International Law

Miskolci Nemzetközi Jogi Közlemények

 

Vol. 9. (2012) No. 1. pp. 78-79.

 

Emmanuelle Jouannet: Le droit international libéral-providence

Une histoire du droit international[1]

 

Presented by Péter Kovács[2]

  

Madame Jouannet, professeure de la Sorbonne s’intéresse depuis longtemps à l’histoire moderne du droit international public et à l’histoire de la doctrine de cette branche juridique.[3]

 Dans son récent ouvrage dont une version anglaise[4] est sous parution, elle a l’ambition d’accompagner le lecteur à travers l’évolution des théories et du corps du droit international, en lui proposant comme fil d’Ariadne le suivi des changements de la finalité ou plus précisément l’alternement de l’approche libérale et de l’approche providentialiste.  Il s’agit de l’alternement entre l’individualisme étatique (le libéralisme des États-nations et les attributs de la souveraineté) et une certaine approche universaliste (ou communautaire) qui tient compte des intérêts communs des États et de l’humanité.

 Mme Jouannet répartit le chemin en trois trajets, notamment i. le droit des gens moderne (XVIII-XIXe siècle), ii. le droit international classique (fin XIXe – mi XXe siècle) et iii. le droit international contemporain (c’est à dire le DIP d’après 1945) et elle constate qu’”on n’assiste jamais à un remplacement définitif d’un paradigme par un autre: on assiste plutôt à des glissements, des déplacements en faveur d’un modèle qui devient plus dominant mais qui n’en continue pas moins de s’entrecroiser à l’ancien.”[5]  

 C’est à partir des ouvrages doctrinaux des grandes écoles que l’examen des métamorphoses est engagé pour qu’on puisse constater que „la finalité providentialiste va ressurgir à chaque siècle, mais de façon différente, détournée, parodiée ou amplifiée.”[6]

 Il est évident que l’importance collective du droit international, intimement liée dans la première phase historique doctrinale à la scolastique et au droit naturel a bien perdu de terrain au cours des XVIII-XIXe siècles: les États profitaient du concept de la souveraineté pour établir des barrières entre eux-mêmes. A l’époque la diplomatie, les alliances, les armées ainsi que tous les autres moyens du pouvoir, reconnus par le droit international avaient bien entendu plus d’importance que le complexe des règles du droit international.

 La Société des Nations, déjà par son nom, aurait pu symboliser un changement de paradigme, mais malgré que la position de l’homme se soit considérablement amplifiée dans la doctrine du droit international classique, ceci ne pouvait pas influencer d’une manière décisive le droit positive et la pratique interétatique. „En ce domaine, la souveraineté de l’État demeure une barrière juridique infranchissable qui peut masquer les pires violations des droits sans qu’aucune action des États ou recours internationaux des individus ne soient acceptés.”[7]  - constate l’auteur.

 La période contemporaine - qu’on pourrait aussi appeler le paradigme onusien - est basée sur les rapports de force de 1945. Ce paradigme est successivement critiqué dès lors dans certains milieux politiques et universitaires sans que la perception des imperfections et des lacunes puisse diminuer la position des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité.

 Il est à souligner que les mécanismes destinés à préserver la paix internationale (avec toutes les imperfections de notoriété commune du fonctionnement du Conseil de Sécurité), le développement humain avec tous les instruments de la sauvegarde des droits de l’homme, la lutte contre la pauvreté, la protection de l’environnement, le développement durable se sont multipliés et ils sont devenus incontournables.

 Selon l’auteur, le développement doit être perçu comme un tout, un produit culturel avec une perception globale. En même temps, ceci aide les États dits développés à découvrir  leur propre État non développé dans certains domaines „pour repenser le droit du développement dans une perspective plus large et plus compréhensive pour l’ensemble du monde, des États du Nord et du Sud.”[8]

 Mme Jouannet arrive à conclure que l’alternement des deux finalités suit de près l’évolution du monde et du droit international: „il offre autant de possibilités que de dangers.”[9]

 Il est certainement intéressant donc de profiter du fil d’Ariadne proposé pour réfléchir sur l’histoire du droit international, les métamorphoses de ses institutions,  l’approfondissement des mécanismes et surtout pour relire les grands classiques de la doctrine en les confrontant aux nouveaux  ouvrages, fruits de longues recherches, comme dans le cas d’espèce…

 

 


 

[2] Professeur de droit international à l’Université Catholique Péter Pázmány.

[3] Emmanuelle Jouannet: A Century of French International Law Scholarship, Maine Law Review, Vol. 61/1, 2009, pp. 83-132; La disparition du concept d'Empire. Le concept, l'idée et le fantasme, Présentation faite lors de la Conférence : A Just Empire? Rome's Legal Legacy and the Justification of War and Empire in International Law, Commemorative Conference on Alberico Gentili (1552-1608), New York University School of Law, 13-15 mars 2008; Colonialisme européen et néo-colonialisme contemporain (Notes de lecture des manuels européens du droit des gens entre 1850 et 1914), Baltic Yearbook of International Law, Vol. 6, 2006, pp. 49-78;  "French and American Perspectives on International Law: Legal Cultures and International Law, Maine Law Review, Vol. 58, n° 2, 2006, pp. 291-336; La pensée juridique de Charles Chaumont, RBDI, 2004/1, pp. 259-289; La critique de la pensée classique durant l'entre-deux guerres: Vattel et Van Vollenhoven. Quelques réflexions sur le modèle classique du droit international, Miskolc Journal of International Law, Vol. 1, n° 2, 2004, pp. 45-63;

[4] Emmanuelle Jouannet: The Liberal-Welfarist Law of Nations, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, 326 p.

[5]  p. 10

[6] p. 120

[7]  p. 216

[8] p. 345

[9]  p. 347

 

 

 

 


   

 

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