Journal of the International Law Department of the University of Miskolc


Miskolc Journal of International Law

Miskolci Nemzetközi Jogi Közlemények

 

Vol. 6. (2009) No. 1. pp. 35-59.

 

Jean Baptiste Harelimana[1] :

 

 La reconnaissance du statur de la victime: un nouveau chapitre de la justice internationale 

 

L’histoire de la guerre montre une progression constante du nombre de victimes, particulièrement parmi les populations civiles. Entre 1900 et 1987, 170 millions de civils ont été tués, 70 dans le cadre de persécutions étatiques, 100 à l’occasion de guerres internationales[2]. Plus près de nous, des personnes civiles ont été / sont victimes de crimes contre l’humanité, dans le silence persistant de l’oubli ou de l’indifférence, comme c’est le cas du génocide tsigane, des crimes commis par les juntes militaires sud-américaines, asiatiques ou africaines.  

En effet, au XXe siècle, sur la scène mondiale, les affrontements entre les États paraissent de plus en plus surannés, tandis que ce sont les conflits intercommunautaires qui imposent leur présence tragique et qui font le plus grand nombre de victimes, ainsi que le montre le bilan apocalyptique du génocide rwandais et de la crise congolaise  pour ne citer que ces cas typiques en Afrique. Et  le réajustement opéré dans les opérations de maintien de la paix et dans l’ensemble de semble des institutions internationales ont été  souvent impuissants à limiter les victimes et à relever les défis majeurs que continue à poser la « construction de la paix ».  Les civils sont davantage touchés que les combattants rendant la problématique du sort des victimes encore plus brûlantes. Le siècle qui vient de s’achever est salué par tous comme celui de la consécration des droits humains. Il ne fait guère de doute qu’il le fut, comme en témoignent les textes fondamentaux et les conventions internationales ou régionales qui ont été adoptés après le second conflit mondial principalement[3] . Mais le siècle qui vient de s’achever a certainement été, très paradoxalement, l’un des plus violents de l’histoire de l’humanité. Et celui qui commence n’est pas de nature à apaiser les inquiétudes. 

Je me pencherai dans un premier temps sur la façon dont la question des victimes apparaît dans les premières juridictions internationales de l’après guerre aux tribunaux ad hoc. Dans la deuxième partie, j’évoquerai certains droits substantiels contenus dans le statut de la CPI[4] , le Règlement de Procédure et de  Preuve[5] (RPP)   et sur la jurisprudence de la chambre préliminaire[6] et chambre d’appel en matière de participation et de protection des victimes. 

 

I.                   LA VICTIME ET L’EVOLUTION DE LA JUSTICE PENALE INTERNATIONALE.

 

A.                De l’émergence des droits de la victime en droit international 

Jusque récemment, le droit humanitaire international réservait peu de place aux victimes. Dans ce domaine, les droits des victimes se sont développés sur base des instruments internationaux garantissant les droits de l’homme, axés sur la protection des droits des individus. 

La redécouverte de l’humanité de la victime, comme sujet à part entière du conflit dont la résolution est confiée au juge pénal – et non plus seulement comme objet de la procédure –, titulaire de droits particuliers, est directement liée à la promulgation de textes internationaux fondamentaux. 

Jusque récemment, le droit humanitaire international réservait peu de place aux victimes. Dans ce domaine, les droits des victimes se sont développés sur base des instruments internationaux garantissant les droits de l’homme, axés sur la protection des droits des individus.  

L’élan de solidarité à l’égard des victimes, observable depuis la fin des années soixante un peu partout dans le monde de manière plus ou moins structurée, a conduit l’Organisation des Nations Unies [7] à se doter d’instruments destinés à garantir la protection des victimes et la prise en compte de leurs besoins consécutifs aux victimisations subies[8]

Il faut rappeler que la reconnaissance des droits des victimes résulte de la déclaration de principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité d’abus de pouvoir adoptée par l’Assemblée général des Nations unies le 29 novembre 1985 qui donne un aperçu des droits des victimes. Cette contribution importante dans la définition de la victime délivrée par la déclaration de l’Assemblée générale de 1985, définit ainsi la victimes : on entend par victime : 

1° «  des personnes qui individuellement ou collectivement ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions qui enfreignent les lois pénales […] »

2° «  une personne peut être considérée comme victime […] que l’auteur soit ou non identifié, arrêté, poursuivi ou déclaré coupable, et que soient ses liens de parenté avec la victime. Le terme « victime » inclut aussi ; le cas échéant, la famille proche ou les personnes qui ont subi un préjudice en intervenant pour venir en aide aux victimes en détresse ou pour empêcher la victimisation ». 

L’importance de cette définition est le fait qu’elle couvre tant de victimes directes que les ayant droits et les membres de la famille, et même les personnes qui ont subi un préjudice en portant assistance aux victimes. Des recommandations particulières sont adressées aux Etats en vue de procurer aux victimes, dans le cadre de services appropriés, l’assistance matérielle, médicale, psychologique et sociale dont elles ont besoin. Le droit d’être assisté par un conseil, tout comme celui d’être informé de l’évolution du dossier doivent être effectifs. Sécurité et protection de la vie privée sont des droits également impératifs. L’information des victimes sur l’existence de ces services et l’accès à ces derniers doivent être renforcés et, surtout, les personnels de ces divers services doivent recevoir une formation qui les sensibilise aux besoins des victimes[9].  

Une définition plus large a été fourni par le professeur Van Boven dans un rapport  soumis aux Nations unies intitulé Principes fondamentaux et directives concernant le droit à la réparation des victimes de violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales[10]. Van Boven range au nombre des victimes, outre les victimes directes, «les proches parents, les personnes à charge ou toute autre personne ou groupe de personnes ayant un lien avec les victimes directes» (§ 6)[11] . 

Le 16 décembre 2005, l’Assemblée générale des Nations unies, après des années de préparation et de discussions sur des projets dans le cadre d’ECOSOC, a adopté un texte fondamental intitulé « Principes de base et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l'homme et des violations sérieuses du droit humanitaire international ». 

Parmi les principes énoncés dans ce texte, le premier est précisément le droit à un recours judiciaire effectif pour les victimes de ces violations. Ensuite, le texte confirme le droit des victimes à une réparation qui inclut non seulement le paiement de dommages-intérêts, mais aussi la restitution, compensation, réhabilitation, satisfaction et les garanties de non-répétition.

De multiples autres instruments (plus de trois cents) renforcent plus spécialement encore l’arsenal pénal international [12] et permettent la poursuite, plus rarement la condamnation, des auteurs de crimes internationaux, sans dispositions spécifiques néanmoins au bénéfice des victimes. 

Bien plus heureusement, la création d’une juridiction pénale internationale – permanente et universelle – est fortement porteuse d’espoirs. Bien que le statut de la Cour pénale internationale ne définisse pas le terme victime, il renvoie à  des victimes réelles, c'est-à-dire des personnes qui prétendent dans la réalité avoir subi un dommage découlant de la commission des crimes relevant de la compétence de la Cour. 

Le compromis a été trouvé  dans le Règlement de Procédure et de Preuve. La règle 85 a) du RPP (Règlement de procédure et de preuve) de la CPI ne dispose que « le terme "victime" s'entend de toute personne physique qui a subi un préjudice du fait de la commission d'un crime relevant de la compétence de la Cour ». En outre, le RPP dispose que les victimes peuvent inclure « toute organisation ou institution dont un bien consacré à la religion, à l'enseignement, aux arts, aux sciences ou à la charité, un monument historique, un hôpital ou quelque autre lieu ou objet utilisé à des fins humanitaires a subi un dommage direct » [13].

En se fondant sur cette règle, la Chambre a donc dégagé quatre critères cumulatifs pour définir une victime[14] : la personnalité (au sens de personne physique ou morale) des demandeurs; l’existence d’un préjudice ; la commission d’un crime relevant de la compétence de la Cour; et l’existence d’un lien de causalité entre ce crime et le préjudice subi par le demandeur. 

Il ne s’agit donc pas d’une victime virtuelle craignant d’être lésée dans le futur par les conséquences d’un crime. Les dispositions de la CPI renvoient donc à la victime clairement identifiée et pouvant prouver qu’elle a  subi un préjudice. Une telle conception de la victime, idéale, laisse un grand nombre d’interrogations en suspens, notamment celle de l’octroi du statut de victime.  Au plan de la procédure, à partir de quand devient-on victime? 

 

B.   Les TPI et la place de la victime 

Dans les juridictions internationales ad hoc depuis la deuxième guerre mondiale, les victimes sont tombées dans les oubliettes de la justice pénale dès l’instant où l’accusation a monopolisé la réaction des victimes au phénomène criminel. La création contemporaine de tribunaux pénaux internationaux ad hoc, pour constituer une avancée remarquable dans la lutte contre l’impunité des crimes contre l’humanité, illustre bien cependant que leur visée est davantage punitive que réparatrice : Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg (1945), de Tokyo (1946) [15] ; Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (1993), le Rwanda (1994) [16] ; Juridictions pénales internationalisées (ou hybrides ; dits encore de troisième génération) [17] pour le Kosovo (2000), le Timor-oriental (2000), la Sierra Leone (2002), le Cambodge (2003) . Un même constat de relatif échec se dessine quant à l’étendue des droits des victimes et, surtout, leur mise en œuvre très aléatoire devant les juridictions pénales ad hoc. En effet, la prise de conscience fut longue et progressive tant au niveau des textes protecteurs qu’au sein des premiers procès internationaux. Les années 60 et l’expérience des Tribunaux ad hoc pour l’ex- Yougoslavie et le Rwanda constituèrent un premier virage avant l’avènement de l’ « esprit de Rome ». 

J’examinerai d’abord le statut de la victime devant Tribunal de Nuremberg et Tokyo (1) avant de voir comment elles ont été considérées plus tard devant les tribunaux pénaux [18] pour l’Ex-Yougoslavie et pour le Rwanda (2).  

 

1.                   Le tribunal militaire international de Nuremberg et de Tokyo 

Quiconque s’intéresse à la question de la position des victimes de crimes internationaux devant les juridictions  pénales internationales ad hoc ne peut manquer de faire l’observation simple d’une  absence de victimes. Les analyses, qu’elles proviennent des cercles professionnels les plus autorisés ou autres, convergent vers le constat indigné d’une instrumentalisation des victimes comme témoins. L’entrée des victimes dans le procès pénal international s’est faite de manière progressive ; d’abord témoins utiles pour l’établissement de faits constitutifs d’une violation de l’ordre international. Les deux tribunaux pénaux  internationaux, ceux de Nuremberg et de Tokyo - étaient tous deux dotés de règlements rudimentaires, les juges réglant au cas par cas les incidents de procédure[19].Les procès de ont eu des répercussions multiples sur le droit international dans son ensemble. Le crime contre l’humanité[20] a été défini juridiquement et techniquement bien qu’il n'a pas  été une notion indépendante.[21] Cette constatation fait écrire à Gilles Petrequin: « En définitive, les crimes contre l'humanité, ayant été confondus par le Tribunal Militaire International de Nuremberg avec les crimes de guerre, le Génocide resta noyé dans l'océan des atrocités nazies »[22]. Donnedieu de Vabres, le juge français du Tribunal, regrettait également que la qualification de crime contre l'humanité se soit volatilisée dans le jugement. Certains affirment que si l’expression est alors nouvelle, le concept ne l’est toutefois pas. On dit d’ailleurs que « jusqu’à la Seconde Guerre mondiale le crime contre l’humanité a voyagé sous le manteau des crimes de guerre »[23]

Le Tribunal Militaire International pour l'Extrême-Orient et celui de Nuremberg ont suscité de vives critiques. Certains estiment que la justice rendue est une justice de vainqueur soumise de façon trop étroite à la tutelle américaine[24]. On s’indigna de l’exclusion des victimes qui ne furent pas admises à se constituer partie civile pour obtenir réparation. En effet, les premiers pas de la justice pénale internationale ont davantage été marqués par la priorité accordée à l’établissement de la culpabilité de l’accusé, sans aucun égard envers ses victimes. Lors du premier procès international, à Nuremberg, les procureurs anglais et américains n’ont appelé à témoigner aucune des victimes du régime nazi. Ils avaient accès à de nombreux documents relatifs aux atrocités commises par les Nazis durant la Seconde Guerre Mondiale. 

Mais le plus important, au sujet du tribunal de Nuremberg et de Tokyo, c'est sa portée symbolique. En se focalisant sur quelques individus particulièrement responsables, qui apparaissent comme des effigies des crimes, les actes du tribunal   constituent la meilleure riposte au négationnisme  car tout ce qui y figure a été établi de manière contradictoire. La prise de conscience fut longue et progressive tant au niveau des textes protecteurs qu’au sein des premiers procès internationaux. Les années 60 et l’expérience des Tribunaux ad hoc pour l’ex- Yougoslavie et le Rwanda constituèrent un premier virage avant l’avènement de l’ « esprit de Rome ».

 

 
2. La victime dans la procédure devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et pour le Rwanda (TPIR)    

A la différence du Tribunal militaire de Nuremberg institué par les Etats vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale et à l’issue de ces combats, le TPIY et le TPIY ont été créés  pour juger les criminels au nom de la Communauté internationale. Par ce contexte de création fondamentalement différent, le Conseil de sécurité a érigé ces tribunaux  en instruments de paix. 

Les procureurs du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et pour le Rwanda (TPIR) se basent en grande partie sur les témoignages des témoins oculaires et/ou des victimes des exactions commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda ou ses pays voisins. Les témoins ont déjà joué et vont continuer à jouer un rôle prédominant dans les affaires suivies par les TPI[25]. Mais la victime est assimilée au témoin. En effet, la victime est souvent un témoin direct, parfois, même un témoin décisif: exclure le témoignage de la victime au nom de l’impartialité et de l’équité de la procédure ferait obstacle à la manifestation de la vérité. 

Afin de comprendre pourquoi les victimes ne se voient octroyer aucune place au sein de la procédure des TPI, il est aussi important de garder à l'esprit que la procédure suivie devant les TPI étaient initialement fondée principalement sur le système accusatoire[26]. Dans un tel système, le rôle de la victime n'est que d'apparaître en tant que témoin pour l'une des parties à la procédure. Elle ne peut donc rechercher une quelconque indemnisation « au pénal ». C'est au Procureur que revient la charge de représenter les victimes à tous les stades de la procédure pénale suivie devant les TPI.   

 « La victime n’existe qu’en tant que témoin, le plus souvent de l’accusation. Cette impossibilité de se constituer partie civile produit des effets pervers. Lors du procès au TPIY de l’ex-président serbe, Slobodan Milosevic, des victimes, citées à comparaître comme témoins, n’ont même pas pu raconter leur calvaire, tant elles étaient instrumentalisées par le procureur pour valider tel ou tel point précis de l’accusation, avant d’être soumises à un feu roulant de questions du contre-interrogatoire que menait l’accusé en personne, puisqu’il était son propre et seul avocat. Si l’une des finalités de la justice internationale est de redonner une dignité aux victimes, cet objectif n’a donc pas toujours été atteint, loin de là »[27]

Créé à la suite des massacres qui ont eu lieu au Rwanda en 1994, par la résolution du Conseil de sécurité, sa structure et son organisation sont très inspirées par celle du TPIY[28]. Bien qu’il s'en distingue  à plusieurs égards (notamment le fait qu'il s'agissait plus d'un conflit interethnique qu'internationalisé), le TPIR nous servira d’exemple pour mesurer le chemin parcouru par les TPI  en matière de protection des victimes. 

 

a) Les mécanismes procéduraux de protection des intérêts de la victime devant le TPIR 

La protection des victimes et des témoins constitue un élément général du procès en ce sens qu’elle est susceptible de s’appliquer à toutes les phases de la procédure judicaire[29].Les victimes et les témoins ne se confondent pas totalement. Mais les victimes survivantes constituent souvent des témoins privilégiés. Elles peuvent par conséquent se voir appeler à témoigner à la barre[30].Une même personne peut donc être victime  et témoin à la fois, même si toutes les victimes ne sont pas appelées à témoigner et que certains témoins ne constituent pas forcément des victimes. En créant le TPIR, le conseil de sécurité a prévu des dispositions visant à protéger les victimes et les témoins. L’article 21 du statut renvoie au règlement pour définir les mesures de protection.  

Les schémas de protection des victimes et des témoins, tels qu’ils ressortaient du statut et de la première  version du règlement envisageaient surtout la protection de témoins victimes à charge[31]. Ce qui s’explique par le fait que le TPIR se contentait dans un premier temps  de reprendre le statut du TPIY où ces schémas étaient plus adaptés[32]. L’article 69 du Règlement fut révisé afin de reconnaitre aux deux parties le droit de demander  des mesures de protections à la chambre , alors que seul le procureur disposait de ce droit. Le TPIR a eu par conséquent à adapter son règlement au contexte  propre au Rwanda. 

Si la protection des témoins joue un rôle important, les victimes conservent une place limitée dans le procès pénal international en général[33] . Devant cette juridiction, les victimes ne sont considérées que sous l’angle de leur statut de témoin[34], ce qui limite leur participation au procès. Le droit de déclencher l’action publique ne leur est pas reconnu. Cependant elles disposent d’un droit à la restitution de leur bien confisqué qui reste théorique puisque à ce jour le TPIR ne s’est encore jamais prononcé sur la restitution de leurs biens confisqués. 

La modestie de la place qu’occupent des victimes dans le procès pénal devant les deux TPI a suscité des débats, notamment au sein des deux tribunaux ad hoc.  Les organes du TPIR ont reconnu l’existence des lacunes en matière de protection des témoins et tenté d’y remédier. Les efforts du tribunal dans ce sens se sont traduits d’abord par l’acceptation de demandes d’intervention en tant que amicus curiae, de certaines associations de victimes ou d’experts qui leur sont proches[35]. Ensuite par la manifestation des organes du TPIR de leur avis favorable à l’idée d’une prise en compte accrue de l’intérêt des victimes à être représentées devant les organes du tribunal, voire à bénéficier d’une indemnisation. 

En effet, le Statut du TPIR se limitait  à une seule référence par rapport à la réparation et il le fait dans le contexte des peines que le tribunal peut imposer : «Outre l'emprisonnement du condamné, la Chambre de première instance peut ordonner la restitution à leurs propriétaires légitimes de tous biens et ressources acquis par des moyens illicites, y compris par la contrainte» (article 23, par.3 du Statut). Dans aucun des  jugements rendus à ce jour, le tribunal n'a fait application de cette possibilité d'ordonner restitution, qui est reprise en détail dans l'article 105 du Règlement de procédure et de preuve. 

Il est clair que ces prévisions concernant le fonctionnement du tribunal n'ont pas contribué grandement à accorder une certaine réparation aux victimes. Malgré ce cadre restrictif, certaines initiatives ont été prises pour améliorer le statut de la réparation parmi les activités du tribunal. D'abord, sur proposition du procureur du TPIR, Carla Del Ponte, les juges des chambres de première instance et d'appel, réunis en session plénière, ont déclaré, en juin 2000, que «chaque juge souscrit au principe que les victimes doivent être indemnisées» et que «nous avons pensé que nous devrons approcher le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour amender le statut, afin d'étendre notre mandat pour que nous puissions compenser les victimes»[36]

 Après une réflexion commune menée par les juges de deux TPI et certaines consultations sur la question de l’indemnisation, les juges ont admis que le droit international coutumier, influencé par l’évolution des droits de l’homme, reconnait le droit fondamental d’indemnisation aux victimes ; ils ont rappelé cependant que le statut ne prévoyait pas l’indemnisation des victimes et que toute réforme dans ce sens devrait  impliquer la modification du statut. Les juges s’étaient prononcés cependant pour la création d’un fonds spécial d’indemnisation. La présidente du TPIR fait savoir au Secrétaire général que «la responsabilité de traiter et d'évaluer les demandes d'indemnisation ne devrait pas être laissée au Tribunal»[37] car cela nuirait considérablement au bon fonctionnement de ce dernier. Or, les juges du TPIR suggèrent d'autres mécanismes pour assurer l'indemnisation des victimes: ils songent notamment à la création, par le Conseil de sécurité, d'un nouveau mécanisme ou fonds d'affectation spécial selon lequel les victimes seraient indemnisées sur la base de demandes introduites à titre individuel ou collectif, ou encore en fonction des besoins de la communauté concernée. 

 Parallèlement à ce fonds, le tribunal pourrait éventuellement être doté d'une nouvelle compétence limitée en la matière, consistant à ordonner l'indemnisation, par prélèvement sur un fonds d'affectation spéciale, des victimes qui comparaissent devant lui en qualité de témoins. Il faut signaler également que, dans une lettre au secrétaire général de l'ONU du 26 septembre 2000, la présidente du TPIR lui a également demandé de saisir le Conseil de sécurité afin d'amender le statut du TPIR, pour permettre d'offrir des dédommagements à une autre catégorie de victimes, notamment les personnes détenues ou reconnues coupables à tort par le TPIR.[38]  

Plus important pour les victimes sur le terrain, le Tribunal a lancé, en septembre 2000, un programme d'aide aux témoins et aux témoins potentiels, qui constitue le premier volet d'un programme plus large d'aide aux victimes comprenant également des conseils juridiques, des conseils psychologiques, de la rééducation physique et une aide financière pendant la réinstallation[39]. Le tribunal a entre autre contribué pour 15% du financement (soit 52.000 USD) en vue de la construction initiale de 23 maisons du "Village de la Paix" à Taba. La première personne condamnée par le tribunal, Jean-Paul Akayesu, est un ancien bourgmestre de la commune de Taba. Ce programme a été contesté, plusieurs personnes, notamment au sein du tribunal, se demandant si ce genre d'activités doit être entrepris par un tribunal appelé à poursuivre et juger les auteurs de crimes internationaux[40].  

Cette controverse est évidemment liée au problème de l'identité même du Tribunal, avec les objectifs de justice, de réconciliation et de paix auxquels il est censé contribuer. Elle est également liée au problème de la mise en œuvre de la notion de réparation, lequel apparaît surtout en cas de violations massives ayant des implications qui vont au-delà des victimes individuelles. Faut-il, dans un tel contexte, accorder la plus grande priorité à certains programmes collectifs qui aident avant tout les groupes vulnérables et qui sont orientés vers le futur? Ou faut-il, malgré les problèmes logistiques liés à la quantité des dommages, privilégier une approche individuelle de compensation financière pour les dommages subis dans le passé? Quant à la participation des victimes au procès, les difficultés qu’elle est susceptible de poser en termes de longévités des procès furent soulignés pour écarter cette participation[41]

L’une des conséquences de cette réflexions est que la place des victimes devant le TPIR à légèrement évolué; désormais, un droit à l’indemnisation leur est reconnu[42] mais reste lacunaire. En ce qui concerne l'indemnisation des victimes, l'article 106 se limite principalement à un renvoi aux juridictions nationales[43] et se contente de transmettre vers les juridictions nationales son jugement ayant conclu à un crime préjudiciable à la victime. 

 

b) Les mesures de protection prises par le TPIR 

La protection des victimes et des témoins est expressément prévue dans les deux statuts (art.21 TPIR et 22 TPIY). Ainsi, chaque tribunal pénal doit prévoir des mesures de protection des témoins dans son règlement sur le déroulement de la procédure et de l’administration des preuves (règlement de procédure et de preuve, RPP). Il doit tout particulièrement prévoir la possibilité de conduire les débats à huis clos et de protéger l’identité des victimes. L’article 21 du statut mentionne de manière non limitative deux types de mesures (la tenue de l’audience à huit clos et la protection de l’identité des victimes) avant de renvoyer au règlement pour définir les mesures de protection[44]

L’article 75 du règlement indique les modalités de la prise  de ces mesures et précise mieux leur nature. Il prévoit que les mesures sont ordonnées par les juges d’office ou à la demande d’une partie, de la victime, du témoin intéressé ou de la section des victimes et témoins(SVT) qui est un service du greffe. Il précise que le but de ces mesures est de protéger la vie privée et la sécurité des victimes et témoins et qu’elles sont complémentaires aux droits des accusés sans  devoir y apportés atteintes ; en fin, l’article 75 indique qu’aux fins de déterminer s’il ya lieu d’ordonner les mesures de protection une chambre peut tenir une séance à huit clos ; les mesures de protection sont applicables à toutes les phases de la procédure judicaire. Elles peuvent prendre plusieurs formes, selon l’étape du procès. 

 

c) L’organisation de la protection des victimes au sein du TPIR 

En plus des dispositions procédurales, la Chambre de première instance peut placer sous la protection du tribunal les victimes et les témoins menacés ainsi que leurs proches et ordonner que des mesures extra-procédurales de protection et de prise en charge soient prises par la Section d’aide aux victimes et aux témoins (art. 69 RPP). 

 Cette unité crée au sein du greffe dès le début de fonctionnement du TPIR a été érigé en une section en juillet 1997, en reconnaissance de l’importance de ces activités et de la nécessité d’améliorer son fonctionnement ; elle est donc devenue la SVT. Une unité spéciale au sein du STV se charge de la protection des victimes et de question de parité pour que la situation des femmes soit mieux prise en compte. Bien que basée à Arusha, la section dispose d’une antenne à Kigali. 

Cette unité s’assure que les victimes et  témoins et leurs proches puissent voyager en toute tranquillité et en toute sécurité jusqu’au lieu où la procédure doit se dérouler et qu’ils puissent s’exprimer dans un environnement sûr et agréable. Cette prise en charge et ce soutien incluent, d’une part, la réadaptation physique et psychique et, d’autre part, le paiement des frais effectifs du voyage, des vêtements et du logement, la remise de documents de voyage, le règlement des formalités d’entrée ainsi que la mise à disposition d’un traducteur, d’un logement sûr et d’un soutien financier pour les dépenses nécessaires. 

Au regard des ambitions des textes pertinents, les statuts des Tribunaux ad hoc sont plutôt décevants. La place réservée à la victime dans ces premières juridictions pénales internationales depuis Nuremberg ne correspond pas aux attentes. Au sein des statuts, une seule disposition intitulée « Protection des victimes et des témoins », traite de la place de la victime, en renvoyant simplement au Règlement de procédure et de preuve. Ce dernier ne les autorise à participer à la procédure pénale que comme témoins. 

 

II. LA COUR PENALE INTERNATIONALE ET LE STATUT DE LA VICTIME
 

A. Consécration textuelle de l’appropriation par les victimes des outils de lutte contre l’impunité dans le Statut de Rome 

Les victimes d’atrocités longtemps promises à une souffrance silencieuse perpétuelle, condamnées à gémir en silence ou à combler leur frustration par l’exercice d’une vengeance sauvage qui peut doucement faire glisser l’humanité dans l’enchaînement cruel des haines éternelles[45], sont désormais pleinement associées par le statut de la CPI à toute la procédure contre l’auteur d’un crime reconnu par le statut sous la forte pression d’organisations non gouvernementales. 

 Devant la Cour pénale internationale, le statut des victimes est assez hybride mais l’évolution, aussi dans la jurisprudence récente, est clairement de leur donner de plus en plus de droits. Dans le Statut de la Cour, les droits des victimes n’étaient qu’embryonnaires. Ils sont déjà beaucoup plus élaborés dans le Règlement de procédure et de preuve. 2006, la Chambre préliminaire de la Cour a prononcé une décision très importante sur les possibilités d’intervention des victimes durant le stade de la procédure. Cette décision historique va très loin et a été prise à la demande des victimes via la Fédération internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH). 

On peut parler ainsi  de la "résurrection" des victimes, qui a de manière spectaculaire bouleversé la procédure pénale  devant la CPI. Comme écrivait  Carbonnier  à propos de la France, l’une des réussites les plus bruyantes du droit pénal de notre temps consiste à mobiliser les victimes, à les retourner et à les  transformer de sujets passifs du délit  en agents martiaux de la répression[46] . La CPI  constitue donc une avancée historique dans la reconnaissance des droits des victimes. Ainsi, le droit des victimes irrigue désormais toutes les phases du procès et dépasse même le temps du procès pénal devant la CPI, pour s’exprimer au stade de l’enquête et de l’application des peines. 

Le Règlement de procédure et preuve  de la CPI énoncent trois modalités de participation des victimes à la procédure : des droits spécifiques à participer, un droit général à participer et un droit à réparation. Les droits spécifiques à participer sont contenus dans les articles 15-3 et 19-3du Statut, tandis que le droit à réparation est organisé par l’article 75 du Statut de la CPI. Le droit général à participer reconnu aux victimes est quant à lui organisé à l’article 68-3 du Statut. 

 

1.                   La participation des victimes 

Le Statut aux termes des articles 68 et 75 reconnaît un droit de participer comme partie à part entière au procès et d’obtenir réparation en cas de dommage. Plus que des témoins du Procureur, les victimes devant la CPI participent à la procédure au fond, comme le stipule manifestement l’Article 68 du Statut intitulé « Protection et participation au procès des victimes et des témoins »[47]

Il paraît difficile, après une première lecture du Statut, de constater avec certitude que les victimes puissent participer à la procédure dès l’ouverture d’une enquête. Cependant force est de constater que l’imprécision du Statut et du RPP laisse place à une telle interprétation.La principale imprécision du Statut et du RPP est de mentionner que les victimes peuvent participer « à la procédure ». Imprécision se retrouvant dans l’article central du Statut relatif aux victimes, l’article 68-3 disposant que : « Lorsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, la Cour permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, à des stades de la procédure qu'elle estime appropriés et d'une manière qui n'est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d'un procès équitable et impartial ». 

Ces vues et préoccupations peuvent être exposées par les représentants légaux des victimes lorsque la Cour l'estime approprié, conformément au Règlement de procédure et de preuve. Le Statut demeure largement imprécis sur la mise en œuvre effective de ces droits reconnus aux victimes et le Règlement adopté quatre ans plus tard n’a pas permis d’évacuer les nombreuses interrogations se posant sur les modalités de participation de ces victimes, leurs représentants légaux, les formes et modalités des réparations qui seront octroyées. 

Le 17 janvier 2006, la Chambre Préliminaire I  a rendu une décision qui donne une réponse à certaines des questions qui se posaient concernant le droit général à participer des victimes.[48] Lors de cette décision, la Chambre préliminaire I examinant la situation en République démocratique du Congo, a fait preuve d’une audace certaine qui confirme l’importance de la participation des victimes pour les juges de la Cour[49]. La Chambre intervenait ici à la demande de 6 personnes touchées par des crimes commis en R.D.C. Cette première décision portant sur la question de la participation des victimes à un procès international devait ainsi exposer concrètement les droits accordés par le Statut. La Chambre a d’abord posé trois critères principaux relativement large afin qu’une personne physique puisse bénéficier du statut de « victime »[50]. La Chambre a ensuite considéré que les victimes pouvaient participer à la procédure dès le tout début de l’enquête menée par le Procureur[51], alors que cette possibilité était équivoque dans le Statut. En conséquence, toutes les personnes actuellement concernées par une des situations en cours d’enquête par le Procureur se voient reconnaître un droit de participation[52]

Ces demandes ont été déposées par la Fédération Internationale des Droits de l’Homme[53] . Après un échange d’écritures comprenant notamment des demandes de renseignements supplémentaires[54], le conseil ad hoc de la Défense ainsi que l’accusation (le Procureur) ont déposé respectivement le 11 août 2005 et le 15 août 2005 leurs réponses. Aussi bien la Défense que le Procureur se sont opposés à la participation des victimes au stade de l’enquête.

Dans cette décision tout aussi audacieuse qu’ambitieuse, la Chambre préliminaire a finalement admis la demande de participation des demandeurs à la procédure dès le stade de l’enquête sur une situation. 

 Afin d’aboutir à cette solution, la Chambre préliminaire I a dû répondre à deux questions principales: Le Statut, le Règlement de procédure et preuve […] et le Règlement de la Cour reconnaissent-ils aux victimes le droits de participer à la procédure au stade de l’enquête sur une situation et, dans l’affirmative, quelles seraient les modalités d’une telle participation ? Par ailleurs, les six demandeurs remplissent-ils les critères fixés pour être considérés comme victimes aux termes de la règle 85 du Règlement ?[55] .  

Conformément à la règle 89 §1 du RPP les victimes peuvent introduire une demande en vue d’intervenir dans la procédure. Cette demande sera reçu si la personne est véritablement une victime (§2). Suivant la règle 90§1, elles sont en outre libres de choisir leur représentant légal qui participent aux audiences, reçoit une copie des pièces de procédure et peut interroger un témoin de la défense (règle 91). Ces vues et préoccupations exposées par les représentants légaux des victimes lorsque la  Cour  l'estime approprié, conformément au Règlement de procédure et de preuve[56] doivent respecter les doits de l’accusé. Pour faciliter la participation, les victimes sont donc libres de choisir un représentant de leur choix, y compris sur une liste mise à leur disposition par le Greffe. Le représentant légal des victimes garantira souvent exclusivement leur participation aux procédures. Et si les victimes sont nombreuses, la chambre pourra leur demander un représentant commun.  

Dans sa décision concernant plusieurs demandes de participation à la situation en Ouganda et à l’affaire de l’Armée du Seigneur à tous les stades de la procédure, la chambre préliminaire II a estimé que les demandeurs ne pouvaient exiger un droit absolu et inconditionnel à être assistés d’un représentant légal, concernant la phase précédant la décision de la Chambre sur le bien-fondé de la demande de la victime à participer. En plus les victimes étaient habilitées, à travers leurs représentants légaux, à présenter des observations, au début et à la fin de l’audience, et à demander la permission d’intervenir pendant les audiences publiques[57], par exemple pour interroger les témoins. Les victimes étaient par ailleurs exclues de toute audience à huis clos.

 

En d’autres termes, le représentant légal semble jouir, d’office, en raison de sa qualité, du droit de participer à toute la procédure sauf décision contraire de la Chambre, tandis que la victime ne peut participer à la procédure que dans les conditions fixées par la Chambre. De même, il semble que le droit d’interjeter appel est réservé au représentant légal puisque le Statut ne se réfère qu’à lui, et non aux victimes (art. 82 § 4). Les Etats ont, sans doute, voulu, à travers le Statut et le Règlement, encadrer étroitement la participation 

En effet, autant il est difficile et utopique de vouloir arrêter tous les coupables, autant il est difficile de faire témoigner et participer toutes les victimes d’un procès pénal international. Il va sans dire que la participation effective des victimes sera possible à deux conditions : qu’elles soient effectivement informées de leurs droits et qu’elles soient justement représentées. 

Les victimes de la situation de la RDC et plus précisément  de l’affaire Thomas Lubanga Dylo ne parlent pour la plus part  aucune langue de la Cour et parfois ne savent pas écrire. Chargée d’organiser la participation des victimes devant la cour, le section de participation des victimes et de réparation a donc développé un travail proactif sur le terrain pour informer précisément les victimes de leur droits et leur expliquer les conséquences, les modalités et les limités de cette participation. 

 

2.                  Les mesures de réparation en faveur des victimes 

Le principe d’une réparation aux victimes d’une violation de leurs droits et libertés fondamentaux est conforme à ce que prévoient divers instruments internationaux, soit, sous forme d’un droit général de toute personne de porter devant un juge toute contestation relative à ses droits civils (DUDH, art. 8; Pacte relatif aux droits civils et politiques, art. 2 § 3 et 14 § 1), soit, de manière plus spécifique, sous forme d’un droit à réparation pour une violation grave des droits de l’homme (Convention des NU contre la torture, 10 décembre 1984, art. 14; la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir, §§ 8 et 19 2; projet de texte révisé des principes et directives fondamentaux concernant le droit à réparation des victimes de violations flagrantes des droits de l’homme, §§ 6 ss.3). 

En application du RPP, la Cour peut accorder à la victime une réparation prenant en compte   « l'ampleur du dommage, de la perte ou du préjudice » (règle 97 par. 1 RPP). Pour ce faire, la Cour, qui agit sur demande de la victime ou d'office, doit prendre en considération « les observations de la personne condamnée, des victimes, des autres personnes intéressées ou des États intéressés, et les observations formulées au nom de ces personnes ou de ces États » (art. 75 par. 3 du Statut).  

L’article 75 donne le droit aux victimes de demander et d’obtenir réparation en fonction de l’ampleur du dommage ou du préjudice subi lors de la commission des crimes. L'article 75 par. 2 du Statut organise les modalités de mise en ouvre de ce droit à réparation : « La Cour peut rendre contre une personne condamnée une ordonnance indiquant la réparation qu'il convient d'accorder aux victimes ou à leurs ayants droit. Cette réparation peut prendre notamment la forme de la restitution, de l'indemnisation ou de la réhabilitation. Les Etats sont dès lors uniquement sollicités pour assister la Cour dans la détermination des mesures appropriées (art93 statut) ou pour exécuter ses décisions (art 109 statut). Le cas échéant, la Cour peut décider que l'indemnité accordée à titre de réparation est versée par l'intermédiaire du Fonds visé à l'article 79 ». 

 Ce fonds au profit des victimes et de leurs familles a ainsi été créé le 9 septembre 2002 et il a une double fonction : il est un instrument à la disposition de la Cour pour exécuter les ordonnances de réparation et les mesures de confiscation et d’amendes décidées par la Cour ; il pourra aussi, et à certaines conditions, utiliser ses propres ressources, produits des contributions volontaires, pour les programmes d’assistance des victimes en allouant, par exemple, des sommes d’argent et à des organismes, y compris les organisations intergouvernementales, internationales et nationales, pour des activités et des projets au bénéfice des victimes et de leur familles. Il est notamment alimenté par le produit des biens confisqués, des profits ou avoirs tirés du crime ou par des amendes imposées en sus des peines d’emprisonnement. 

Le statut n’admet expressément la confiscation des biens d’une personne que si elle a préalablement été condamnée. En absence de condamnation de l’auteur (par exemple parce que celui-ci s’est suicidé juste avant le verdict de culpabilité), le fonds sera donc privé d’une parte de ses ressources.

Il faut enfin souligner, que l’esprit de l’article 75 § 6 ne donne pas  la possibilité pour les victimes d’obtenir une double réparation devant deux juridictions distinctes. Elle réaffirme plutôt la collaboration nécessaire entre la Cour et les Etats qui, afin d’aider la Cour à accorder une réparation aux victimes, doivent lui fournir spontanément les renseignements pertinents concernant l’application dans leur juridictions, des ordonnances de réparation. Au demeurant, les Etats parties adoptent ou modifient librement leurs lois et procédures indiqués, dans la mesure où elles sont où elles sont compatibles avec le statut et en particulier avec les dispositions de l’art 109.

  

3.                  Les mesures de protection 

D’une manière inégalée jusqu’alors devant les juridictions pénales internationales, le Greffe de la C.P.I. doit assumer d’importantes responsabilités à l’égard des victimes, des témoins et des personnes courant un risque (normes 79 à 96 du Règlement du Greffe). Pour les mener à bien, il s’appuie sur la Direction des victimes et des conseils (D.V.C.) et, plus particulièrement, sur la Section de la participation des victimes et des réparations (S.P.V.R.), l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (U.V.T.) et le Bureau du conseil public pour les victimes, indépendant (B.C.P.V.) [58].

 

 En matière d’assistance, le Greffe peut fournir, au cas pas cas, divers services tels que la réinstallation, le soutien par des personnes accompagnatrices (norme 91), des soins médicaux et psychologiques aux victimes elles-mêmes ainsi qu’aux personnes demeurant à leur charge (normes 89-90), des indemnités exceptionnelles (pour faux frais ; de présence ; pour perte de revenus ; d’habillement)(normes 80, 84-86). Le Greffe organise le transport et fournit un logement aux victimes comparaissant devant la Cour ou en danger (normes 81-82). Une assistance et des conseils psychologiques et sociaux peuvent être prodigués, sur le terrain ou ailleurs, aux victimes et à leurs familles. En cas de nécessité, le personnel de la Division, qui comprend des spécialistes de l’aide aux victimes de traumatismes y compris de traumatismes consécutifs à des violences sexuelles, peut intervenir de manière permanente durant les comparutions (norme 83), (art. 43-1 Statut). 

En matière de protection et de sécurité, le Greffe met également en place et coordonne les mesures nécessaires, toujours confidentielles, aussi bien localement que lors des comparutions (règles 87-88 ; normes 92-93). En ce sens, les Chambres peuvent décider du huis clos (éventuellement partiel), ordonner des mesures propres à empêcher la révélation de l’identité de la victime ou du lieu où elle se trouve, ne pas transmettre à la demande des victimes les informations communiquées ni au Procureur ni à la défense, ne rendre publiques que des versions expurgées des décisions prises tout au long de la procédure, enregistrer électroniquement ses dépositions (avec distorsion de l’image et altération de la voix), recourir aux techniques de vidéoconférence, utiliser un pseudonyme (norme 94), empêcher aux organes de la Cour tout contact avec elle [59]. Le cas échéant, la présence d’un psychologue, notamment, peut être requise lors des dépositions de victimes traumatisées ou particulièrement vulnérables (règle 88, art. 68 Statut).  

Dans le même esprit, les atteintes à la vie privée des victimes risquant de les mettre en danger, les Chambres doivent contrôler avec vigilance la manière dont leur interrogatoire est mené pour éviter tout harcèlement et toute intimidation (règle 88-5). Le Greffe fournit encore et pour l’essentiel aux participants un accès téléphonique permanent pour introduire des demandes de protection ou demander tout renseignement concernant leur sécurité (norme 95)[60]

En termes de protection les Chambres peuvent décider du huis clos, ordonner des mesures propres à empêcher la révélation de l’identité de la victime ou du lieu où elle se trouve, enregistrer électroniquement ses dépositions (avec altération de l’image et de la voix), utiliser un pseudonyme. Le cas échéant, la présence d’un psychologue, notamment, peut être requise lors des dépositions de victimes traumatisées ou particulièrement vulnérables (règle 88, art. 68 Statut). Dans le même esprit, les atteintes à la vie privée des victimes risquant de les mettre en danger, les Chambres doivent contrôler avec vigilance la manière dont leur interrogatoire est mené pour éviter tout harcèlement et toute intimidation (règle 88-5).

 

 

B. L’actualité jurisprudentielle des droits des victimes devant la CPI. 

A étudier les ordonnances, décisions  de la CPI on est admiratif. On doit donc rechercher les ressources insoupçonnées que recèle le travail de la Cour et, par la suite espérer que la verdure de son pâturage jurisprudentiel et  l’usage de son héritage sera plus fréquent et fécond pour la communauté internationale qui veut combler les lacunes  du TPIY et TPIR. 

 

Les victimes de l’affaire et de la situation. 

La question posée devant la Chambre était de savoir si les victimes possédaient le droit de participer à la procédure menée devant la CPI, dès le stade de l’enquête sur la « situation ». Dés lors, il est nécessaire de s’arrêter sur la définition du terme « situation », qui se différencie du terme « affaire »[61].  

Les décisions de la chambre font une distinction entre la participation à la procédure liée à une
« situation » et la participation à la procédure liée à une « affaire » en instance devant la Cour. Les situations sont «généralement définies par des paramètres temporels, territoriaux et éventuellement personnels, [...], (elles] font l’objet de procédures prévues par le Statut afin de décider si une situation donnée doit faire l’objet d’une enquête pénale, et de l’enquête en tant que telle. »
[62] 

 Tandis que « les affaires » : comprennent des incidents spécifiques au cours desquels un ou plusieurs crimes de la compétence de la Cour semblent avoir été commis par un ou plusieurs suspects identifiés, font l’objet de procédures qui ont lieu après la délivrance d’un mandat d’arrêt ou d’une citation à comparaître[63].  Si la définition de la « situation » in abstracto est vague, la Chambre propose cependant une définition simple à appliquer in concreto puisqu’elle se fonde sur un acte précis de la procédure, à savoir l’émission d’un mandat d’arrêt ou la délivrance d’une citation à comparaître. Avant cet acte, il sera nécessaire de parler de situations, après cet acte, d’affaires.[64] La question qui se posait devant la Chambre était donc de savoir si les victimes, ainsi définies, pouvaient participer, dès le stade de l’enquête sur la situation, à la procédure menée devant la Cour. Afin de répondre à cette question, la Cour a détaillé les dispositions du Statut et du RPP fondant une telle possibilité. 

Les premières demandes de participation des victimes ont été reçues par la chambre préliminaire I le 14 juin 2005. En rendant sa décision, la chambre préliminaire I s’est demandé si le Statut de Rome, les Règles de procédure et de preuve et le Règlement de la Cour prévoyaient la participation des victimes pendant l’enquête sur une situation. 

 La chambre préliminaire I a estimé que le terme « procédure », dans l’article 68-3 du Statut de Rome, devrait être interprété comme incluant la procédure devant la Cour qui a lieu avant la délivrance des mandats d’arrêt ; cela a donc montré que l’article 68-3 était aussi applicable à la phase d’enquête sur une situation.[65]  

Il importait donc à la Chambre préliminaire de préciser si le terme « procédure » recouvrait seulement le stade de l’affaire, c’est à dire la procédure se déroulant après l’émission d’un mandat d’arrêt ou la délivrance d’une citation à comparaître, comme le soutenait le Procureur[66]  ou si au contraire, le terme « procédure » pouvait aussi inclure la phase d’enquête sur la situation, c’est à dire dès l’ouverture d’une enquête par le Procureur en application de l’article 53. 

Premièrement, répondant à un argument terminologique relevé par le Procureur[67] , la Chambre estime que le terme « procédure » n’excluait pas le stade de l’enquête [68]. Pour ce faire, la Chambre se base notamment sur l’article 17 du Statut, dans lequel le terme « procédure » renvoie au stade de l’enquête[69], l’article 54-3-e dans lequel le terme « procédure » vise de manière claire le stade de l’enquête [70] ou encore les articles 56.1.b, 56-2 qui vont dans le même sens[71]. De plus, la Chambre se réfère à de nombreuses règles du RPP : les règles 49, 111 et 112. 

Deuxièmement, la Chambre répond à un argument contextuel développé par le Procureur selon lequel d’une part « l’article 68 se trouve au Chapitre VI du Statut intitulé “Le procès” » et d’autre part, « la règle 92 limite la participation des victimes aux stades mentionnés aux dispositions 2 et 3 de cette règle »[72] . Concernant le premier argument, la Chambre soulève le fait qu’au sein du Chapitre VI, d’autres stades de la procédure sont visés[73]. Pour répondre au second argument la Chambre rappelle à juste titre que le RPP (en vertu de l’article 51-5 du Statut) est subordonné au Statut. Dès lors, « il n’est pas possible d’interpréter une disposition du Règlement comme pouvant réduire le champ d’application d’un article du Statut »[74]

Troisièmement, la Chambre argumente son interprétation de l’article 68-3 comme étant applicable au stade de l’enquête, en arguant qu’elle est en « conformité avec l’objet et le but du régime de participation des victimes mis en place par les auteurs du Statut… »[75] . Relevons que la Chambre se livre ici à une interprétation téléologique en cascade du Statut de Rome[76]

La Chambre en conclut que les victimes ont le droit de participer au stade de l’enquête sur une situation. La chambre préliminaire I a estimé que les « intérêts personnels » des victimes, comme mis en avant dans l’article 68-3, sont concernés à cette phase de la situation, « puisque la participation des victimes à ce stade permet de clarifier les faits, de sanctionner les responsables de crimes et de solliciter la réparation des préjudices subis. La chambre préliminaire I a décidé que les victimes participant à une situation au stade de l’enquête ont le droit de présenter leurs points de vue et demandes à la Chambre, de déposer des documents se rapportant à l’enquête et de réclamer à la Chambre préliminaire qu’elle ordonne une procédure spécifique. 

 

Les exigences de participation 

Les décisions relatives à la participation des victimes devant la CPI dans l’affaire Procureur contre Lubanga, reconnaissent le droit de participation des victimes aussi bien au stade de la situation qu'au stade de l'affaire, à condition que la compétence de la Cour soit démontrée [77] dans un cas, et qu'un lien de causalité directe entre le crime et le préjudice[78] subi soit rapporté dans l'autre. La Cour admet aussi comme victime une personne qui a tenté d'empêcher la perpétration du crime.  

 Ainsi dans la décision susmentionnée, la chambre préliminaire reconnait  la possibilité pour les victimes personnellement concernées de voir « leurs vues et préoccupations exposées et examinées » durant la phase d’enquête de la situation en RDC, un stade de la procédure considérée comme appropriée par la Cour[79]. Le 23 janvier 2006 le procureur a donc demandé d’interjeter l’appel de la dite décision au motif que celle-ci établissait l’existence d’une classe de victimes de situation » distinctes des victimes d’un crime dans le cadre d’une affaire. Il alléguait que la participation, telle que définie dans cette définition, concernerait un grand nombre de victimes et affecterait dès lors le déroulement équitable et rapide de la procédure  voire même l’issue  du procès, ce qui constitue le motifs d’appel de la décision au sens de l’article 82(1)(d) du statut de la CPI. 

Le quatrième critère énoncé par la règle 85-a, indiqué par les termes « du fait de », est celui du lien de causalité qui doit exister entre un crime relevant de la compétence de la Cour et le préjudice subi par les demandeurs. Aussi la Chambre estime-t-elle qu’il est nécessaire d’établir qu’il y a des motifs de croire que le préjudice subi est le résultat de la commission des crimes relevant de la compétence de la Cour. Néanmoins, la Chambre considère qu’il n’est pas nécessaire que la nature exacte du lien de causalité, et l’identité de la ou des personne(s) responsable(s) de ces crimes, soient déterminées de manière plus approfondie à ce stade[80].  

Par conséquent, afin qu’une personne puisse se voir octroyer le statut de victime à un stade postérieur (au stade de l’affaire par exemple), il semble que la nature exacte du lien de causalité devra être prouvée et l’identité de la ou des personne(s) responsable(s) déterminée. Cette exigence causale démontre donc avec pertinence l’intérêt des victimes à participer à la procédure pénale afin que les personnes responsables soient identifiées : sans identification des responsables, les victimes de crimes ne pourront se voir octroyer le statut de victime à des stades ultérieurs. Il est à noter que la Décision ne précise pas la nature exacte du lien de causalité qu’il sera nécessaire de déterminer afin de considérer ce critère rempli. 

Le 31 mars 2006, la chambre préliminaire a rejeté la demande d’appel du procureur qui  a demandé à ce que la décision fasse l’objet d’un examen extraordinaire par la chambre d’appel. Celle –ci en rejetant la demande comme irrecevable, a insisté sur le fait qu’elle était compétente pour  contrôler la décision de la chambre préliminaire mais  qu’aucune procédure n’était prévue dans le statut ni dans le règlement pour cette  prétendue « mesure  extraordinaire ».  La chambre  d’appel a donc procédé à son interprétation des dispositions de l’article 82(1)(d).[81] 

Cette position a une double conséquence, non seulement elle réduit les possibilités de la victime du point de vue de l’issue du procès (les réparations ne pourront être accordées qu’aux seules victimes directes des personnes condamnées par la Cour), mais de plus, elle amoindrit ses moyens procéduraux (participation à la procédure dans la limite des charges retenues par le Procureur) ; ce qui à terme affaiblit le statut de la victime tel qu’initialement défini par le Statut de Rome[82]. La situation est similaire devant la Chambre d’appel. 

La restriction ici se manifeste par le refus de la Chambre d’appel d’être liée par la décision de la Chambre préliminaire concernant le droit de participation des victimes en appel interlocutoire ; en l’espèce, les victimes avaient obtenu devant la Chambre préliminaire I le droit de participer à la procédure concernant l’affaire Thomas Lubanga Dyilo. La condition avancée par ladite chambre est le caractère approprié de cette participation[83]

En plus d’opposer le critère du caractère approprié de la participation des victimes, les juges de la Chambre d’appel semblent limiter les situations où ils estiment la participation des victimes appropriée : Il s’agit de deux principaux cas, d’une part, lorsque la protection de celles-ci est en cause et d’autre part, lorsqu’elles sollicitent une demande en réparation. Autrement dit, il revient aux victimes qui font leur demande de participation de prouver que leurs intérêts personnels sont affectés avant d’être autorisées à prendre part à la procédure[84]. La chambre préliminaire a confirmé cette jurisprudence dans une décision de 28 Juillet 2006 en insistant sur le fait que  le lien de causalité exigé par la règle 85 du RPP n’était démontré que si la victime apportait suffisamment d’éléments pour établir qu’elle a subi un préjudice directement lié aux crimes exposés dans le mandat d’arrêt[85].Des recommandations sur la manière dont les victimes peuvent participer à une affaire ont été fournies par la chambre préliminaire I avant l’audience de confirmation des charges dans l’affaire Lubanga.  

La chambre préliminaire I a remarqué qu’il fallait s’assurer que les victimes participent d’une manière qui ne soit ni préjudiciable aux droits de la défense ni en contradiction avec eux[86]. La Chambre a permis aux victimes de rester anonymes au regard de considérations de sécurité, mais a décidé que cela limiterait aussi leur capacité à participer à la procédure.[87] La Chambre a indiqué qu’elle reverrait les modalités de participation des victimes si elles décidaient de révéler leurs identités à la défense. L’intervention des victimes a été restreinte au champ déterminé par les chefs d’inculpation portés contre Lubanga. Afin de préserver les droits de la défense, eu égard à l’anonymat des victimes, la Cour a décidé que les victimes n’auraient pas accès au dossier complet de la situation en RDC et ne pourraient ajouter aucun élément factuel ni aucune preuve au dossier de l’accusation, ni questionner les témoins. 

En effet, les définitions de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité présument de façon inhérente un nombre large de victimes[88]. La meilleure façon de traiter le défi du nombre important de demandes est de revoir le droit des victimes à participer dans la situation et rendre les critères pour la participation des victimes dans les phases de la situation et affaire plus difficile. 

Néanmoins, la décision de la Chambre Préliminaire, qui suit de près la jurisprudence des autres Cours, telles que la Cour Européenne des Droits de l’homme, a trouvé que la participation dans la phase de l’enquête était particulièrement appropriée car c’était précisément à ce moment la que les intérêts de victimes divergent le plus de ceux du Procureur. De plus, il existe une expérience et une pratique considérable dans les procédures nationales et internationalisées, que la CPI devrait prendre plus en considération, sur les méthodes efficaces de traiter un grand nombre de demandes. 

En effet, Plus de 509 demandes reçues[89] et attendant une décision, pour beaucoup depuis mi 2006  et seules 17 victimes participant dans 4 situations et 4 affaires alors que la victimisation est massive. Dans l’affaire Lubanga, la sélection limitée des charges a entaillé sévèrement l’étendue du nombre de victimes autorisées à participer : cela a été difficile à comprendre pour les victimes. La jurisprudence récente suggère qu’il est attendu que les victimes prouvent leurs identités et les liens avec les crimes en question au même standard que le Procureur, c'est-à-dire « au delà du doute raisonnable ». Néanmoins les victimes n’apportent pas une affaire ou des preuves contre l’accusé, elles participent simplement dans l’affaire que le Procureur a entamée et ainsi devraient avoir à établir leur connexion avec l’affaire à un standard moins élevé, par exemple le standard utilisé dans les procédures civiles, c’est à dire que les faits sont justes « dans la balance des probabilités, réduisant le besoin de divulgation de leur identité. 

 

Conclusion  

Si l’avènement de la justice pénale  internationale vise en premier lieu à  éviter la vengeance individuelle en mettant l’accent prioritairement sur la recherche de la responsabilité de l’auteur et de la sanction idoine à lui infliger , c’est surtout la réparation et le fait de ne pas oublier des  conséquences des horreurs subis par les victimes qui constitue l’amélioration de leur statut procédural. La vérité et le soulagement vont désormais ensemble.  

Dans les statuts des deux tribunaux pénaux internationaux ad hoc, les victimes étaient limitées à un rôle secondaire et ne pouvaient certainement pas prétendre à avoir une quelconque qualité de partie au procès pénal. L’essor progressif d’une conception de la victime comme sujet du procès  a été cristallisé pendant la conférence plénipotentiaire instituant la CPI. Le statut de la CPI, qui ne définit pas par ailleurs la notion de victime, a modifié légèrement cette représentation des choses. Mais, le Règlement de Procédure et de preuve de la CPI, suite au regard indigné de certaines ONG, constitue le filet de récupération des droits des victimes et devient  ainsi désormais un mécanisme procédural attractif pour les victimes. Les intérêts de la victime ne sont plus assimilés à ceux de l’accusation. Les victimes se sont vu reconnaître des droits à participer au procès mais également des droits à réparation du dommage subi. Les victimes longtemps reléguées au rang d’informateurs et contraintes à la passivité, sont devenues des acteurs autonomes de l’accusation  avec des conseillers légaux à leur appui. Elles sont devenues des martiaux actifs de la procédure pénale internationale devant la CPI. 

L’internationalisation de la procédure pénale relative à la victime est gouvernée donc actuellement par trois principes directeurs : le principe du droit à la participation selon lequel la victime doit être en mesure d’exercer une influence sur le cours et l’issue du procès, le principe du droit à la protection selon lequel la CPI doit assurer la protection de l’intégrité physique et morale de manière à ce que le procès ne perpétue pas les conséquences des crimes et le principe de l’indemnisation selon lequel la victime doit obtenir réparation des préjudices découlant de la commission des crimes. 

Pourtant, un grand nombre de  victimes reste, malgré ce nouveau chapitre de la justice internationale pénale, jugées significatives par certains, extérieure à la « triade juge-accusation-inculpé  ». Il faut souligner également qu’il s’agit d’une approche procédurière de la participation des victimes qui alourdit la charge de victimes qui ne bénéficient d’une assistance juridique que de façon limitée. Espérons que la CPI sera susceptible de donner du sens restauratif au droit pénal international et, par contagion, d’épanouir les législations criminelles internes des Etats-membres[90]. Il y a certainement des points qui constituent l’inachèvement d’une promesse et qui pourraient être améliorés à l'avenir. La sélection des situations et affaires ainsi que les charges devraient refléter la nature et sévérité de la victimisation. 


 

[1] Jean Baptiste Harelimana est doctorant en droit international à l’Université Jean Moulin Lyon 3 et a été Stagiaire au près du Bureau du procureur de la CPI (jbapteharely@yahoo.com). Cette contribution n’engage en rien la CPI et est propre à son auteur.

[2].Voir  D. El Kenz (Dir.), Le massacre, objet d’histoire, Ed. Gallimard, Folio Histoire, 2005, p. 9 et s. ; V. également, J. Sémelin, Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides, Le Seuil, Coll. La couleur des idées, 2005, 491 p. ; M. Osiel, Juger les crimes de masse : la mémoire collective et le droit, Le Seuil, Coll. La couleur des idées, 1997/2006, 456 p. ; M.C. Bassiouni (Reconnaissance internationale des droits des victimes) a identifié 250 conflits depuis la seconde guerre mondiale ayant causé la mort d’environ 170 millions de personnes, In G. Doucet (Dir.), Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, Ed. Calmann-Lévy, 2003, p. 136.

[3] Voir sur ces aspects not. M.C. Bassiouni, Introduction au droit pénal international, Bruylant, 2002, 343 p. ; C. Van den Wyngaert (ed.), International criminal law, Kluwer Law international pub., 2nd ed., 2000, 1108 p..

[4]Le Statut de Rome oriente et gouverne les activités de la Cour pénale internationale. Il a été adopté le 17 juillet 1998  par 120 Etats à la conférence de Rome, conférence qui réunissait aussi 124 ONG.

[5] Le Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale a été négocié et adopté par la Commission préparatoire de la CPI à sa session de juin 2000.

[6] Au rôle de la Chambre préliminaire I, il y a la situation en République démocratique du Congo, mais aussi la situation au Darfour (Soudan). Au titre de l'actualité de cette Chambre, il faut souligner la décision confirmant les charges contre Thomas Lubanga Dyilo rendue le 29 janvier 2007 après trois semaines d'audience où les victimes étaient représentées, et soixante jours de délibération. Dans cette décision, la Chambre analyse les éléments introduits par les parties et leurs arguments y compris ceux des représentants légaux des victimes a/0001/06, a/0002/06, a/0003/06 et a/0105/06.

[7] L’ONU a officiellement vu le jour à l’issue de la Conférence de San Francisco le 26 juin 1945. Elle comporte à ce jour 192 Etats-membres ; www.un.org.

[8] C’est animé des mêmes préoccupations de reconnaissance, d’accompagnement et de réparation que les institutions européennes recommandent souvent, depuis de nombreuses années, voire imposent parfois à leurs Etats-membres des dispositions protectrices au bénéfice des victimes. V. not. R. Cario, Victimologie. De l’effraction du lien intersubjectif à la restauration sociale, Ed. L’Harmattan, Coll. Traité de sciences criminelles, Vol. 2-1, 3 éd. 2006, p. 185 et s. ; Les textes officiels, Vol. 2-2, Ibid., 2è éd. 2002, 208 p.

[9] Sur la mise en œuvre de cette Déclaration, V. Guide for Policy Makers, Pub. U.N. Office for Drug control and crime prevention, Centre for international crime prevention, multigraph., 1999, 44 p.

[10] Luc Walleyn, victimes et témoins de crimes internationaux : du droit à une protection au droit à la parole. Revue internationale de la Croix-Rouge, 2002, n°845.

[11] Doc. ONU E/CN.4/Sub.2/1996/17, 24 mai 1996. T. van Boven avait été désigné comme expert indépendant par l’ECOSOC. Ce rapport inclut la troisième version des  Principes, la première datant de 1993. (E/CN.4/Sub2/193/8). Les travaux ont été poursuivis par Cherif  Bassiouni .Voir son rapport final E/N.4/ 2000/62.

[12] Voir les dispositions de l’art. 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de l’art. 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l’art. 6 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale, de l’art. 11 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de l’art. 39 de la Convention internationale des droits de l’enfant ; sur l’ensemble de ces aspects, V. not. M.C. Bassiouni, Introduction au droit pénal international, Bruylant, 2002, 343 p. ; C. Van den Wyngaert, G. Stessens, I. Van Daele (eds.), International criminal law : a collection of international and european instruments, Brill Academic Publishers, 3rd ed., 2004, 1542 p.

[13] Art. 85 b.

[14] Décision sur les demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS.

3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6 (version publique expurgée) ICC-01/04-101, paragraphe 75.

[15] Voir  A. Wievorka (Dir.), Les procès de Nuremberg et de Tokyo, Ed. Complexes, 1999, 328 p. ; De Nuremberg à La Haye. Juger le crime contre l’Humanité, Pub. Le Grand Orient de France, 2006, 284 p.

[16] K. Lescure, F. Trintignac, Une justice internationale pour l’ex-Yougoslavie. Mode d’emploi du Tribunal pénal international de La Haye, Ed. L’Harmattan, 2000, 222 p. ; P. Hazan, La justice face à la guerre. De Nuremberg à La Haye, Ed. Stock, 2000, 287 p. ; R.H.A. Carter, Le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Ed. L’Harmattan, Coll. Droit de la sécurité et de la défense, 2006, 329 p. ; T. Cruvelier, Le Tribunal des vaincus. Un Nuremberg pour le Rwanda ?, Ed. Calmann-Lévy, 2006, 271 p. 

[17] H. Ascencio, E. Lambert-Abdelgawad, J.M. Sorel (Dir.), Les juridictions pénales internationalisées, UMR de Droit comparé de Paris / Société de Législation Comparée Pub., 2006, 383 p. et, not., les textes constitutifs rapportés en Annexes, pp. 321-383 ; Organe judiciaire créé ou avalisé par l’ONU, chaque juridiction pénale hybride tente de concilier, en fonction du contexte historique, politique et circonstanciel, proximité et garanties internationales dans le domaine pénal (en intégrant, par exemple, à une juridiction interne des juges internationaux), p. 11 et s., 307 et s. ; J. Sulzer, Le statut des victimes dans la justice pénale internationale émergente, In Arch. Pol. Criminelle, 2006-28, pp. 29-40.

[18] La définition de tribunaux est une définition à la fois fonctionnelle et structurelle: j'entends par tribunal l'institution judiciaire qui obéit aux règles et aux procédures de la justice: le contradictoire, l'indépendance, le respect des droits de l'accusé, la force obligatoire du jugement, la base juridique du jugement.

 [19] Jérôme de Hemptinne les “ procédures ” du procès international l’évolutivité des procédures. Analyse comparée avec le TPIY” in Burgorgue-Larsen, Laurence, la Répression internationale du génocide rwandais, Bruyant, Bruxelles, 2003, p.201

[20] En droit positif international contemporain, un crime contre l’humanité est un acte inhumain « commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque

[21]  P. TRUCHE, « La notion de crime contre l'humanité : bilan et propositions », Esprit, mai 1992, n° 5, pp. 67-87.

[22]  G. PETREQUIN, « Le crime contre l'humanité : histoire d'une prise de conscience », Le Monde Juif, 1994, vol. 50, n° 151, pp 126-145.

[23]Michel Massé, « Crimes contre l’humanité et droit international » dans Marcel Colin, dir., Le crime contre l’humanité, Ramonville Saint Agne, Érès, 1996 à la p. 43.

[24] - J.P. BAZELAIRE, T. CRETIN, La justice pénale internationale: son évolution, son avenir, de Nuremberg à La Haye. Paris, Presses universitaires de France, 2000. 261 p.

[25] Voir pour plus  de détails, Jean Baptiste Harelimana, La contribution du TPIR à la justice internationale, Mémoire de DEA, UMFGrenoble2, 2004.

[26] Par opposition à la conception absolue du régime inquisitoire selon la quelle il existe une vérité, le régime accusatoire a une conception relativiste, dialectique de la vérité : celle-ci doit naître de la confrontation entre deux thèses, celle de l'accusation et celle de la défense, et non d'un mécanisme uniquement rationnel, dans lequel la logique, voire l'arithmétique prendraient la place qu'occupe, dans l'accusatoire, l'échange d'arguments.  Le pilier de la procédure est le débat (phase du procès proprement dit). La priorité absolue est donnée au débat, lieu où l'accusation sera dite et où l'accusé pourra se défendre. La question posée au juge sera: l'accusation a-t-elle suffisamment établi la culpabilité? - et non: l'accusé est-il coupable? Le débat doit être dialectique. Pour qu'il fonctionne correctement, il faut assurer l'égalité des armes. Le système accusatoire est public, oral et contradictoire. Les principes du procès équitable, imposés par l'art. 6 CEDH, sont largement d'inspiration accusatoire.

[27]Voir  Laetitia BONNET, La protection des témoins par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), http://www.droits-fondamentaux.org

[28] Voir MUBIALA, M., Le tribunal pour le Rwanda: Vraie ou fausse copie du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie?, R.G.D.I.P., 1995-4, p.941. 

[29] Ph. Legrange «  La protection des témoins : entre le possible et l’indispensable », p .52

[30] L Wellen, « Victimes et témoins de crimes internationaux : du droit à une protection au droit à la parole », RICR.

[31] Ph. Legrange, p. 48.

[32]Ibid.

[33] R. Maison, « La place de la victime » in H. Ascension, E. Decaux et A. Pellet (dir) Le droit international pénal international, Pédone, Paris, 2ooo, p779.

[34]  La preuve est donc l'élément essentiel du procès. D'elle dépend l'issue du procès. Elle doit être une véritable obsession pour le plaideur ; sans preuve il n'y a point de droit. C'est l'idée qu'exprime l'adage idem est non esse et non probari (ne pas exister et ne pas être prouvé, c'est la même chose). La formule semblera à certains excessive, car un droit existe indépendamment de sa preuve. Pourtant elle illustre parfaitement l'importance pratique du témoignage.

[35] Par exemple, par une décision du 6 juin 1998, le deuxième chambre de première instance du TPIR a accepté dans l’affaire Bagosora, d’entendre  le professeur Eric David au nom des autorités belges en tant que amicus curiae, dans l’intérêt de leurs casques bleus tués au Rwanda en 1994. Dans l'affaire Akayezu, L’ONG « Coalition pour les droits des femmes en situation de conflit » a déposé un mémoire d'amicus curiae.

Dans l'affaire Bagosora Théoneste le gouvernement rwandais a été autorisé à déposer une demande de d’intervention à titre d’amicus curiae le 20 avril 1998.  Il demandait à ce que des mesures de restitution et de compensation soient envisagées pour les victimes et les institutions publiques et privées lésées par les actes commis (la question des réparations et de la restitution de la propriété est une question qui n'est pas abordée au stade du procès car ces questions ne peuvent être discutées avant le prononcé de la sentence de culpabilité ou d'innocence.

[36] « Les juges proposent d'indemniser les victimes du génocide», Fondation Hirondelle, 30 juin 2000.

[37] Document ONU S/2000/1198 du 15 décembre 2000, p.3. Pour le TPIY, voir les propositions analogues faites dans le document S/2000/1063 du 2 novembre 2000. Voir, au contraire, l'article 75 du Statut de la Cour pénale internationale, qui accorde une plus grande compétence à la Cour pour accorder une réparation aux victimes.

[38] FONDATION HIRONDELLE, Les juges soucieux d'accélérer les procédures, 9 octobre 2000. http://www.hirondelle.org/

[39]- FONDATION HIRONDELLE, Le TPIR lance un programme d'aide aux victimes du génocide, 26 septembre 2000. En même temps, un nouveau centre d'information et de documentation du TPIR a été inauguré à Kigali.

[40] Communiqué de presse IPTR. 26.9.2000. ICTR/INFO-9-2-242.

[41] J de Hamptinne, « Regards sur les principales évolutions du règlements de procédures et de preuve du TPIY » in L Bourgogue-Larsen ( dir) La répression internationale du génocide rwandais, pp208

[42] Art 106 du Règlement

[43]  Art 106, (A) Le Greffier transmet aux autorités compétentes des États concernés le jugement par lequel l'accusé a été reconnu coupable d'un crime qui a causé un préjudice à une victime. (B) La victime ou ses ayants droit peuvent, conformément à la législation nationale applicable, intenter une action devant une juridiction nationale ou toute autre institution compétente pour obtenir réparation du préjudice. (C) Aux fins d'obtenir réparation du préjudice conformément au paragraphe B), le jugement du Tribunal est définitif et déterminant quant à la responsabilité pénale de la personne condamnée, du fait de ce préjudice».

[44] Voir aussi, Professeur Eric David. La participation des victimes au procès devant la Cour pénale internationale. Guest Lecture Series of the Office of the Prosecutor, www.icc-cpi.int/library/organs/otp

[45]Cfr Julian Fernandez, « Variation sur la victime et la justice pénale internationale », Revue de Civilisation contemporaine de l’université de Bretagne Occidentale, p.1 (www .univ-brest.br/amnis).

[46] J Carbonnier, Droit et passion du droit sous la Ve République, Flammarion, Paris,1996, p. 147.

[47] Tous les organes de la Cour ont l’obligation de protéger les victimes et les témoins ; la cour prend des mesures propres à protéger la sécurité, le bien être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes  et des témoins. Le procureur prend des mesures en particulier  au stade de l’enquêteur et des poursuites. Ce principe général énoncé à l’art 68.1 est précisé aux règles  87et 88 du RPP.

[48] Décision sur les demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6 (version publique expurgée) ICC-01/04-101 (ci-après  ICC-01/04-101»).

[49] Cf. Cour pénale internationale, Chambre préliminaire I, Situation en république démocratique du Congo, Décision sur les demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, Décision rendue le 17 janvier 2006, Document n° ICC-01/04 (ci-après Décision…).

[50] La Chambre interprétait ainsi la Règle 85 du règlement de preuve et de procédure. La Chambre a considéré qu’il devait y avoir un préjudice, un crime relevant de la compétence de la Cour et un lien de causalité entre ce préjudice et ce crime. Cf. Décision…, § 77 à 94.

[51] Voir, entre autres, Décision…, § 59 et 63.

[52] A l’heure actuelle, la Cour pénale internationale s’intéresse à quatre situations concernant le Darfour, la République de Centrafricaine, la République Démocratique du Congo et l’Ouganda. Elle a  entamé sa première phase judiciaire, ponctué de crises procédurales,  avec le chef de milice congolaise Thomas Lubanga Dyilo.

[53] ICC-01/04-101, par 2.

[54] ICC-01/04-101, par 3 et ss.

[55]ICC-01/04-101, par 22.

[56] Le Règlement de procédure et de preuves élargit les éléments inclus dans le Statut et élabore une procédure à forte connotation continentale. Les victimes qui veulent exposer leurs vues et leurs préoccupations adressent une demande écrite au Greffier, qui la communique à la Chambre compétente (art. 89 RPP). Les victimes peuvent se faire représenter individuellement ou collectivement par des avocats ou d’autres conseils. Ceux-ci pourront assister aux audiences et recevront de la part du greffe une copie des pièces de procédure.

[57] Voir aussi Décision sur les modalités de participation des victimes a/0001/06, a/0002/06 et a/0003/06 à l’audience de confirmation des charges (chambre préliminaire I), 22 septembre 2006, Document No. ICC-01/04-01/06-462 ; et Décision sur les demandes de participation à la procédure a/0004/06 à a/0009/06, a/0016 à a/0080/06 et a/0105/06 dans le cadre de l’affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, 20 octobre 2006, Document No. ICC-01/04-01/06-601. 

[58]Voir D. Patri, Les victimes… au cœur de la Cour pénale internationale, In Gaz. Pal., 10-11 juin 2005, pp. 2-4 ; Bureau constitué le 19 sept. 2005 conformément aux dispositions de la Norme 81 du Règlement de la Cour.

[59].Voir Décision ICC-01/04-73 du 21 juil. 2005.

[60]Voir Protéger les victimes : mesures préventives et réactives, projet 2007, 8 p., vrwg.org.

[61] Notons cependant que la Chambre ne motive que très peu son choix alors que le Statut est imprécis sur ce point : si l’expression « situation » se retrouve notamment aux articles 13-a, 13-b, 14-1,15-5,18-1 et 19-3 du Statut, le terme « affaire » semble être aussi employé comme « synonyme » du terme « situation » aux articles 14-2,15-4,15-6,17-1,18-7,53-1 b.

[62] Situation 01/04 en République démocratique du Congo, CPI, Décision sur les demandes de participation de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, 17 janvier 2006, http://www.icc-cpi.int/library/cases/ICC-01-04-101_French.pdf, par. 65.

[63] Idem.

[64] Idem.

[65] Ibid, par. 46.

[66]ICC-01/04-101, par 25.

[67] ICC-01/04-101, par 29.

[68] ICC-01/04-101, par 38.

[69] ICC-01/04-101, par 32.

[70] ICC-01/04-101, par 33.

[71] ICC-01/04-101, par 34.

[72] ICC-01/04-101, par 39 et 40.

[73] ICC-01/04-101, par 42.

[74] ICC-01/04-101, par 47 et ss.

[75] ICC-01/04-101, par 50.

[76] Concernant cette forme élargie d'interprétation téléologique peu traitée en doctrine, voir D. Simon, L'interprétation judiciaire des traités d'organisations internationales : morphologie des conventions et fonction juridictionnelle, Paris, Pédone, 1981, pp. 347,350 à 364 et 402 à 409.

 

[77] La Chambre préliminaire I a rendu une décision sans précédent le 17 janvier 2006, considérant comme victimes des crimes entrant dans le champ de compétence de la CPI les 6 personnes soutenues par la FIDH ayant soumis une demande de participation. Les juges ont par ailleurs autorisé ces 6 victimes à exprimer leurs vues et préoccupations devant la CPI dès le stade de l’enquête du Procureur sur la situation en RDC et précisé les modalités d’une telle participation aux procédures.

[78] La Chambre  n’a pas donné de définition générale du « préjudice ». La décision mentionne ainsi que : « [e]n l’absence de toute définition ; la Chambre doit procéder à une interprétation au cas par cas de ce terme (…) ». En outre, elle précise qu’elle effectue une analyse « non exhaustive et non définitive » du préjudice subi par les victimes. Celle-ci ne préjuge en rien de la suite que pourra prendre la procédure et des préjudices qui pourront être mis en avant lors de celle-ci (ICC-01 /04-101, par 82 et 100.

[79] ICC-01 /04-101, décision sur les demandes de participation à la procédure de VPRS1, VPRS2, VPRS3, VPRS4, VPRS5, et VPRS6.

[80] ICC-01/04-101, par 25.

[81] Notamment ce que pouvait constituer « une question de nature à affecter de manière appréciable(…) « le règlement immédiat que la chambre  pourrait faire sensiblement progresser la procédure » que les éléments requis par ces dispositions du statut n’était pas réunis en l’espèce.

[82] Voir Bitti, (Gilbert), Chronique de jurisprudence de la CPI, RSC, 3, 2007.

[83] Décision du 13 février 2007, ICC-01/04-01/06824.

[84] Décision du 13 juin 2006, ICC-01/04-01/06925.

[85] Voir Situation 01/04 en République démocratique du Congo, CPI, Décision sur les demandes de participation à la procédure de a/0001/06, a/0002/06 et a/0003/06 dans le cadre de l’affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo et de l’enquête sur la RDC, 28 juillet 2006, http://www.icc-cpi.int/library/cases/ICC-01-04-01-06-228_French.pdf.

[86] Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Affaire No. CPI-01/04-01/06, Décision sur les modalités de participation des victimes a/0001/06, a/0002/06 et a/0003/06 à l’audience de confirmation, 22 septembre 2006, http://www.icc-cpi.int/library/cases/ICC-01-0-01-06-462_French.pdf, p. 4.

[87] Ibid, par 7-8.

[88] L’ensemble des Etats lors des négociations du Statut de Rome semblait d’ailleurs inquiets par le risque d’encombrement consécutif à une participation massive des victimes devant la Cour. Voir Fernandez de Gurmendi, p.429

[89] DRC (344) Uganda (127) Darfur ( 38) et CAR(0)

 

[90]Voir  en ce sens La lettre de la C.P.I., 2004-2, p. 7 ; D. Lounici, D. Scalia, Première décision de la Cour pénale internationale relative aux victimes : états des lieux et interrogations, op. cit., p. 390 ; V. plus généralement sur la Justice restaurative, Handbook on Restorative justice programmes, U.N. Office on Drugs and Crime pub., 2006, 105 p., unodc.org ; R. Cario, Justice restaurative. Principes et promesses, Ed. L’Harmattan, 2005, 164 p.

 


   

 

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